INSTITUT DE FORMATION
DES CADRES DE SANTE
CHU – LIMOGES
Un pour tous…
…tous pour Un !
OU
De l’élaboration du projet de soins en rééducation-réadaptation
vers l’interdisciplinarité centrée sur le patient.
avec l’aimable autorisation de
Patrice FILLOUX
Promotion 2010-2011
1.1. Les éléments prescriptifs.
1.3. Les facteurs déclenchant la réflexion.
1.4. Les déterminants politiques et sanitaires.
1.5. De la question de départ à l’hypothèse.
2.1. Le concept du projet de soins. 17
2.1.1. Un projet, deux acceptions.
2.1.3. La formulation du projet
2.1.4. Les attributs du concept
2.2. Le concept du travail en équipe. 25
2.2.1. Une étymologie et quelques approches.
2.2.3. Les attributs de ce concept
2.3. De la pluridisciplinarité à l’interdisciplinarité. 30
2.3.2. Les intervenants et les difficultés.
2.3.3. Les attributs mis en évidence.
2.3.4. L’interdisciplinarité en rééducation et réadaptation.
3.3. La méthodologie employée. 41
3.3.1. La population et les caractères étudiés.
3.4.2. Le projet de soins du patient
4.1. L’approche systémique. 73
4.3. Un positionnement stratégique. 78
Alors que le monde de la santé connaît des bouleversements sans précédent, la rééducation semble suivre la même voie. L’orientation sur laquelle s’engagent la formation infirmière, la création des ordres paramédicaux et le développement des politiques qualités, laisse augurer des lendemains incertains à défaut de reconnaître un présent empreint d’assurance tous risques. La rééducation-réadaptation, discipline médicale en construction, n’échappe donc pas à ce vent de modifications en tout genre. Ce domaine peine à obtenir ses lettres de noblesse bien que cette discipline appartienne aux soins de suite et de réadaptation. Elle dispose de nombreux attributs lui permettant de prétendre à l’appellation de discipline à part entière. Le monde du handicap auquel cette branche de la médecine s’apparente, connaît une profonde mutation dans les mentalités, ne serait-ce que par l’importance qu’occupent ou que seront amenées à tenir les personnes en situation de handicap. Dans cette attente, nous avons souhaité étudier, de par notre expérience dans ce domaine, une des particularités qui se développe ces dernières années et qui représente une de ses forces : l’interdisciplinarité. Le désir de compréhension de ce phénomène fut le premier pas vers ce travail de recherche.
Dans cette perspective, il a fallu relater les faits qui nous avaient conduit à exploiter ce sujet, suite aux dysfonctionnements relevés au sein de la structure que nous fréquentions. Cette description constitue le cadre contextuel, lequel a dû être replacé dans l’environnement politique et sanitaire. Cette présentation situationnelle permet de poser le décor, représente la première partie de notre travail et aboutit à l’hypothèse de départ. Elle détermine le rôle du cadre de santé dans la construction de l’interdisciplinarité en rééducation-réadaptation. Afin d’élargir la vision à d’autres professionnels, nous avons étendu notre recherche pour mettre en évidence quatre caractéristiques : le manque de communication, le projet de soins, le travail en équipe et le soin en rééducation. Nous pouvions établir notre hypothèse de recherche : L’élaboration d’un projet de soins commun centré sur le patient favorise le travail en équipe pluridisciplinaire en rééducation et réadaptation fonctionnelle.
A partir de cette affirmation présupposée, nous avons bâti la partie conceptuelle. Trois concepts clés se sont détachés de notre réflexion, chacun d’eux présenté en le définissant, le situant face aux lois, puis en décrivant les attributs qui s’y rattachent. Ceci formera la première phase du travail.
Le deuxième axe sera constitué par l’étude réalisée à l’aide d’un questionnaire dont la conception subira une première analyse avant la présentation des réponses et leur exploitation, puis nous terminerons par une synthèse permettant de mettre en évidence la confirmation ou l’infirmation de l’hypothèse de départ.
A cette étape, la réflexion stratégique du cadre de santé sera alors dévoilée. Sa recontextualisation, par l’approche systémique et le changement, s’avèrera essentielle avant d’envisager le positionnement par la conduite de projet qui s’appuie sur des propositions d’amélioration face au sujet de ce travail de recherche.
Ainsi, en regard du projet de soins de la personne soignée et de tous les acteurs qui gravitent autour de lui, nous pouvons faire nôtre cette phrase du philosophe Gaston BERGER : « Demain ne sera plus comme hier, il sera nouveau et dépendra de nous, il est moins à découvrir qu’à inventer[1] ».
« Concevez toujours une chose en la considérant dans un contexte plus large – une chaise dans une pièce, une pièce dans une maison, une maison dans un quartier, un quartier dans une ville ».
Eliel Saarinen
1. LE CADRE CONTEXTUEL
Le contexte s’explique par des éléments prescriptifs, la description de nos observations, la présence de facteurs ayant déclenché cette réflexion et le renforcement de ces faits par l’environnement politique et sanitaire actuel. Nous développerons ces thèmes dans ce premier chapitre.
1.1. Les éléments prescriptifs
Le travail de recherche s’inscrit en transversalité dans la formation ; il s’articule autour d’un accompagnement méthodique de l’Institut de Formation des Cadres de Santé (I.F.C.S.) et d’un appui individuel par un directeur de mémoire, désigné par l’institution. Création personnelle, il constitue un travail de raisonnement, de développement de réflexion professionnelle et une exploration des champs disciplinaires nécessaires au questionnement. Il représente l’aboutissement d’un investissement personnel, professionnel et donne du sens à la formation de l’étudiant. Le mémoire permet la construction de la pensée à partir de connaissances afin que le cadre soit acteur du changement grâce à l’apport de plus-value pour ses collaborateurs. Le travail de recherche commence par un questionnement pour parvenir aux préconisations et non le contraire ; il s’oriente vers l’analyse des pratiques professionnelles dans le but de développer la capacité du cadre de santé à participer à leur évolution.
Les rencontres avec le directeur de mémoire permettent un accompagnement méthodologique, un suivi de l’avancement du travail et de la réflexion de l’étudiant. Pour ce qui nous concerne, la rigueur aura été le fil conducteur de l’évolution de ce travail de recherche. Nous avons préparé ces rencontres, établi une synthèse méthodologiquement, communiqué régulièrement avec lui et suivi les orientations préconisées. Le devis de recherche a permis de réaliser un point d’étape. La mise en évidence des réserves a favorisé les réajustements. Les suivis collectifs ont autorisé la confrontation des points de vue et des difficultés rencontrées.
Le mémoire se présente, symboliquement, comme le passage de témoin entre la fonction d’infirmier et celle de cadre de santé.
1.2. Les faits observés
Ils se déroulent sur notre lieu d’exercice professionnel, dans un Centre de Rééducation et Réadaptation Fonctionnelle (C.R.R.F.). Ils mettent en évidence le cloisonnement entre disciplines alors qu’à notre arrivée au C.R.R.F., le discours de présentation de l’établissement mettait en avant le travail en interdisciplinarité, lequel se présentait comme un socle commun. Nous nous sommes rendu compte que celui-ci était fragilisé par défaut de communication entre les différentes professions de la « maison ».
Au cœur de ces dysfonctionnements, se trouve le patient. Le manque de coordination entre les soignants et les professionnels du plateau technique de rééducation-réadaptation est perceptible. Il entraîne des soins effectués rapidement afin que le patient soit prêt pour sa prise en charge rééducative ; si cela s’avère impossible, cette dernière est différée voire non réalisée. L’insatisfaction du patient, suivie parfois d’une tension avec l’équipe est réelle. De plus, les soignants ne savent pas toujours préciser aux familles auprès de quel professionnel se situe le malade, ce qui engendre des difficultés relationnelles avec l’entourage.
Enfin, certains agents n’assistent pas aux réunions de synthèses hebdomadaires pluridisciplinaires, ce qui entraîne des informations incomplètes dans la prise en charge dont les professionnels n’ont, de ce fait, qu’une vision partielle.
1.3. Les facteurs déclenchant la réflexion
Le patient entre au C.R.R.F. en début d’après-midi. A son arrivée, différents professionnels le rencontrent. La première personne chargée de son accueil au rez-de-chaussée lui demande des documents administratifs, un soignant l’accompagne dans sa chambre où il lui explique le fonctionnement de l’établissement (repas, présentation de la chambre, du service), puis remet les documents médicaux du patient au « bureau infirmier » (radio, consultation, courrier médecin). Par la suite, plusieurs personnes interviennent à des moments différents mais en général, chronologiquement : l’infirmière (constantes, recueil de données), l’aide-soignante (installation, recueil de données), la secrétaire médicale (recueil des données administratives, consentement, personne de confiance…), le médecin généraliste du service (recueil de données médicales), le kinésithérapeute référent de ce patient puis les autres professionnels.
Au cours de cette période d’accueil, aucune communication entre les différents membres de l’équipe : le patient se trouve désemparé, il ne comprend pas pourquoi il mange en chambre le premier soir et non les suivants, ne sait pas où se situe la restauration et demeure très demandeur auprès de l’équipe.
Les soignants consignent les soins de base, techniques, relationnels et éducatifs sur la planification murale à l’aide de fiches en « T » et rédigent une transmission le soir. Les thérapeutes utilisent cet outil de manière disparate pour établir leurs interventions. La secrétaire programme à l’aide du même système, les Mesures de l’Indépendance Fonctionnelle (M.I.F.) d’entrée à faire dans les 72 h et/ou les différents rendez-vous nécessaires. La M.I.F. est un outil de mesure de la dépendance en rééducation et réadaptation basée sur l’évaluation de l’autonomie dans les actes de la vie quotidienne (habillage, hygiène, locomotion, élimination, cognition…), elle se renouvelle en cours de séjour ainsi qu’à la sortie.
Le médecin effectue les premières prescriptions médicales à destination des soignants et des rééducateurs du plateau technique. Nous observons que les soignants ne les connaissent pas alors que la programmation murale est prévue à cet effet. Le plan de soins informatisé existe mais sera imprimé par l’infirmière seulement la nuit suivante. Si les thérapeutes n’utilisent pas rapidement la planification, ils ne connaissent pas la prise en charge soignante ; à l’inverse, ils ne peuvent informer l’infirmière de leurs horaires d’interventions auprès des patients.
Une réunion d’étage a lieu tous les mardis en équipe pluridisciplinaire, animée par le responsable infirmier ou de plateau technique qui présente les dossiers des patients. Les professionnels interviennent oralement en fonction de leur discipline et des patients qui les concernent. Côté soignant, nous remarquons qu’à plusieurs reprises, les professionnels n’assistent pas ou de manière partielle à la réunion et/ou ils ne participent pas à la discussion.
Pour les patients nécessitant un plan de soins sur plusieurs mois, des Plans d’Interventions Individualisées Interdisciplinaires (P.I.I.I) sont programmés par les médecins en présence de chaque professionnel intervenant dans la prise en charge du malade. Il arrive que les soignants ne soient pas représentés et, lorsqu’ils le sont, se plaignent quelquefois de ne pas être entendus et de servir uniquement de rapporteur de la réunion. Cet écrit est alors classé mais n’est pas toujours utilisé correctement, ne sert pas de guide comme il devrait l’être, et enfin, il n’y est pas fait référence régulièrement.
Dans la prise en charge soignante, le binôme Infirmier Diplômé d’Etat (I.D.E.) / Aide-Soignant Diplômé (A.S.D.) fonctionne mal ; de plus, les Agents de Services Logistiques (A.S.L.) ne font pas partie de l’équipe soignante malgré leur revendication et leur proximité à l’égard des patients (petit déjeuner et entretien).
De manière générale, il existe un certain cloisonnement entre les services, dû à un manque de concertation : chacun travaille dans son secteur sans trop se soucier de l’autre, ce qui entraîne des incompréhensions et des imperfections dans le suivi des soins auprès du patient. Au final, sa prise en charge est modifiée et la collaboration entre professionnels aléatoire. Plusieurs raisons nous semblent être à l’origine de ces constatations :
- La non mise à jour de la planification par méconnaissance de son utilisation et son importance, afin d’avoir une vue globale de la prise en charge. Cet outil essentiellement à destination du personnel soignant est d’utilisation disparate selon les individus bien que permettant d’avoir une vue d’ensemble de la prise en charge ainsi qu’une communication autour de la programmation du projet de soins du patient. Parfois, les pansements et séances de kinésithérapie sont planifiés à la même heure.
- Le manque de communication est un des travers importants : l’information entre les équipes de disciplines différentes circule mal ; le dossier patient informatisé représente un outil de traçabilité nécessitant une démarche personnelle de recherche de l’information. Par ailleurs, la seule communication sur l’évolution de la prise en charge du patient est la réunion d’étage, outil oral commun, alors que, dans les faits, elle ne concerne qu’un ou deux soignants et la quasi-totalité du plateau technique; quelquefois, le patient ne bénéficie pas de sa kinésithérapie parce que les soins infirmiers ne sont pas terminés à l’heure ou parce que la séance de rééducation est programmée avant les soins, ce qui désorganise le service. La collaboration entre soignants se révèle certaines fois difficile car il subsiste une absence de plannification en début de prise de poste et un manque de coopération ; les A.S.L. ne sont pas reconnus comme des soignants, ce qui peut occasionner un cloisonnement. Enfin, des transmissions écrites sont quelquefois absentes du dossier informatisé, bien qu’indispensables à tout moment y compris lors des réunions ou visites d’étage des médecins.
- L’évaluation de l’évolution de l’autonomie du patient est partielle et non partagée : chacun évalue dans sa discipline sans outil et/ou langage communs. Des dispositifs existent, P.I.I.I., M.I.F., P.M.S.I. (Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information), transmissions, réunions d’étage, néanmoins nous n’observons ni utilisation ni évaluation communes.
1.4. Les déterminants politiques et sanitaires
Certes les faits expriment très clairement la réalité mais la réflexion s’est également portée sur une analyse de l’actualité politique et sanitaire.
Nous avons observé que la loi Hôpital Patient Santé et Territoires (H.P.S.T.) prenait une place importante. Si nous étudions attentivement cette loi et notamment le guide « La loi H.P.S.T. à l’hôpital, les clés pour comprendre »[2], nous nous apercevons que les thèmes de communication, coopération, compétences par exemple sont très largement abordés. Cette évocation renforce la volonté politique déjà affirmée dans les vingt dernières années, de voir se développer la coopération entre professionnels. Certes, les politiques successives réclament l’efficience mais la désertification médicale, paramédicale, les réseaux de santé et de soins demeurent des orientations également privilégiées.
Les contraintes de santé publique telles que la démographie médicale, les déficits publics, la complexité des parcours de santé ont abouti à l’élaboration de cette loi. Cette dernière a aussi mis en exergue le cloisonnement entre services, entre médecines, entre professions et enfin l’enchevêtrement des structures et des acteurs sans cohérence réelle. Par ailleurs, le regroupement, ces dernières années, dans un même projet, des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques a ouvert la voie à la collaboration. De même, la structuration en pôles présente, entre autre objectif, le regroupement en secteurs, des domaines où la coopération peut avoir toute sa place. La loi H.P.S.T. aura accéléré et imposé la collaboration entre établissements par la création de communauté hospitalière de territoire (C.H.T.) et groupement de coopération sanitaire (G.C.S.).
Les titres II et III de la loi H.P.S.T. amorcent les notions d’accès de tous à des soins de qualité par un développement professionnel continu assurant une Evaluation des Pratiques Professionnelles (E.P.P.), le perfectionnement des connaissances, l’amélioration de la qualité et de la gestion des risques en tenant compte de la maîtrise des dépenses. Les programmes d’éducation thérapeutique mis en avant sont un atout dans le parcours du patient afin de le rendre plus autonome en facilitant son adhésion au traitement. N’enseigne-t-on pas l’alliance thérapeutique dans les Instituts de Formation en Soins Infirmiers (I.F.S.I.) ? Nous reconnaissons la notion de projet pour et avec le patient. Un des résultats attendus de cette loi est bien la coopération et la coordination de tous les acteurs dans un souci de continuité des soins.
A ce titre, la coopération entre professionnels de santé est un autre aspect que nous souhaitons développer. Le principe est le suivant : les coopérations consistent en des transferts d’activités ou d’actes de soins voire en une réorganisation du mode d’intervention auprès des patients. Les professionnels de santé peuvent s’engager, à leur initiative, dans une démarche de coopération si celle-ci est de nature à améliorer l’organisation ou la prise en charge des soins, dans un territoire de santé. Cette collaboration concerne tous les partenaires de soins, quels que soient le secteur et le cadre d’exercice (salarié public ou privé, libéral, établissements de santé, centres de santé, cabinet libéral, maison de santé pluri-professionnelle…).
Nous le voyons à travers cette brève synthèse non exhaustive de cette loi et du contexte actuel, ces aspects renforcent notre idée première de travailler sur un thème observé en situation, ce sujet subissant les influences du contexte national politique et sanitaire.
1.5. De la question de départ à l’hypothèse
1.5.1. La question de départ
Nous sommes parti de notre position occupée, des faits observés et du constat de la situation environnementale politique et sanitaire pour mener une réflexion. Considérant notre place au sein de cette structure, notre projet professionnel et l’implication dans cette formation de cadre de santé, il paraît évident que l’étape suivante est le questionnement sur le rôle du cadre. Que peut-il faire dans un contexte politique et sanitaire tel qu’il se présente pour faciliter l’interdisciplinarité, base annoncée mais pas toujours vécue de la rééducation-réadaptation ? Nous sommes parvenu alors à cette question de départ :
Le cadre de santé peut-il avoir une influence sur la construction de l’interdisciplinarité en rééducation ?
1.5.2. L’hypothèse
A partir de ce constat, grâce à un questionnement des faits et suite à notre interrogation, plusieurs thèmes sont venus éclairer notre réflexion et amorcer un cheminement intellectuel.
Le premier aspect mis en évidence est le manque de communication. Mais qu’est-ce que communiquer ? Pourquoi ? Alex MUCCHIELLI[3], le précise dans un ouvrage sur la psychologie de la communication : « le dialogue est fondé sur une plus grande écoute d’autrui…, les interlocuteurs cherchent à progresser ensemble et non à ‘‘gagner’’ ou ‘‘avoir raison’’». L’information doit circuler afin de prodiguer des soins optimaux au patient, en ayant connaissance de la prise en charge globale. Cela passe par la connaissance que chacune des disciplines a de son propre champ d’actions et du champ de compétences des autres professions intervenant dans le projet de soins de ce malade. Communiquer permet de raccourcir les distances par un échange d’informations. Celles-ci peuvent circuler par l’intermédiaire de supports oraux ou écrits.
Le deuxième concept repéré est l’interdisciplinarité. Qu’entendons-nous par ce terme et quelles différences établissons-nous avec la pluridisciplinarité, la multidisciplinarité et la transdisciplinarité ? Des auteurs comme Vincent CHAGUE[4] ou Vincent SCHWACH[5] évoquent cette notion indispensable dans les soins d’aujourd’hui. Les attributs mis en évidence dans le livre de Monique FORMARIER et Ljiljana JOVIC[6], sont la présence de plusieurs disciplines, complémentaires, sans prédominance de l’une sur l’autre. Le partage des responsabilités est effectif et fonction de la formation initiale et des compétences de chacun. Dans ce champ interdisciplinaire, collaborer et travailler ensemble représentent d’autres priorités essentielles afin de réaliser un projet commun.
Le troisième secteur d’exploration est le travail en équipe afin de répondre aux questions : qu’est-ce qu’une équipe ? Que signifie travailler ensemble ? Pourquoi est-ce nécessaire ? René MUCCHIELLI[7] dans son ouvrage sur le travail en équipe met en évidence la nécessité d’une même finalité avec un même but à atteindre par une action commune à réaliser avec des moyens, chaque membre de l’équipe étant une ressource. La collaboration par des interactions possibles est un autre aspect avec des rôles différents et complémentaires, sans priorité de l’un sur l’autre. Enfin, la notion de chef d’équipe garant de l’efficacité demeure dans le travail d’équipe.
Le dernier point de recherche est de répondre aux questions : qu’est-ce que le soin en rééducation ? Quelle est la place du projet de soins dans ce secteur ? Quelle place détient le patient dans ce projet ? De nombreux auteurs placent le patient au centre des préoccupations. Parmi eux, nous citerons le collectif SFAP[8] dans le secteur des soins palliatifs ou encore Catherine ROUHIER[9] en gériatrie ou Brigitte GUERIN[10] dans la définition du concept qui favorisent la compréhension du sujet. Les lectures permettent d’avancer sur les thèmes du plan d’actions, de la globalité de la prise en charge individuelle dans le respect de la liberté de choix, de la dignité, de l’autonomie, de la bienfaisance au profit du patient. La personne soignée fait partie des partenaires de soin dans la prise de décision.
D’une vaste question de départ basée sur l’interdisciplinarité en passant par des éclairages sur les thèmes sous-jacents, nous aboutissons à émettre l’hypothèse suivante :
L’élaboration d’un projet de soins commun centré sur le patient favorise le travail en équipe pluridisciplinaire en rééducation et réadaptation fonctionnelle.
« … nous ne voyons pas le monde avec nos yeux,
nous le voyons avec nos concepts ».
Albert Jacquard.
2. LE CADRE CONCEPTUEL
Nous venons de dévoiler le cheminement vers notre hypothèse de travail. A la lumière de cette présentation, nous avons mis en évidence plusieurs concepts clés afin d’éclairer notre questionnement. Nous proposons de développer les trois suivants : le projet de soins du patient, le travail en équipe et l’interdisciplinarité. Ils représentent les fondements de notre recherche.
2.1. Le concept du projet de soins
Le premier concept que nous souhaitons explorer concerne directement le patient et son projet de soins. Ce dernier, décliné dans les services selon deux acceptions, s’inscrit dans un cadre juridique. Nous avons identifié deux temps dans sa formulation, celui du patient et celui de l’accompagnement. Enfin les attributs mis en évidence, centrés sur la personne soignée, individualisent totalement son projet de soins.
2.1.1. Un projet, deux acceptions
Ce projet présente deux acceptions : le sens collectif du projet institutionnel et l’orientation individuelle de celui du patient qui permet de préserver son identité.
En 2006, les directives nationales définissaient l’option communautaire, dans un guide d’élaboration et d’évaluation :
L’élaboration d’un projet d’établissement est une obligation pour les hôpitaux inscrite dans le Code de la Santé Publique. Le projet de soins, dans son sens collectif, est l’un des socles constitutifs du projet d’établissement au même titre que le projet médical et le projet social. Le projet de soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques, est un outil de formalisation des orientations et objectifs de soins sur lesquels porteront les actions de pratique clinique, d’organisation, de formation et de recherche. Il donne du sens à l’action.[11]
Pour élaborer ce projet, une relation de confiance soignant-soigné est nécessaire et tient compte des besoins, attentes, désirs et capacités du patient. Il s’agit du sens individuel du projet de soins. Ainsi prend-on en compte le rythme du patient et sa motivation. C’est le premier paradoxe que nous avons relevé dans notre pratique : alors que la prise en charge devrait être adaptée aux possibilités et souhaits du patient, elle l’est souvent aux fonctionnements, besoins et ressources des services et plateaux techniques. Comment, compte-tenu des contraintes institutionnelles, adapter la prise en charge aux attentes du patient ?
2.1.2. Le cadre juridique
Nous avons formulé les bases du projet de soins, aussi pouvons-nous désormais l’étudier sous l’angle juridique en évoquant deux textes qui pèsent sur ce concept.
La charte du patient hospitalisé annexée à la circulaire ministérielle du 6 mai 1995[12], représente le premier élément de compréhension du contexte dans lequel il trouve sa place. Les établissements doivent répondre à la non-discrimination, au respect de la personne, de sa liberté individuelle, de sa vie privée et de son autonomie. Ce texte met en avant l’accès au service hospitalier, aux soins, à l’information du patient et de ses proches, au principe général du consentement préalable, à la nécessité de ce dernier pour certains actes, à la liberté individuelle ; par ailleurs, il décrit les modalités nécessaires au respect de la personne et de son intimité, au droit à la vie privée et à la confidentialité, à l’accès aux informations contenues dans les dossiers administratifs et médicaux et les voies de recours.
La loi du 4 mars 2002[13] relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé précise la place du patient et énonce :
- le droit à être informé sur son état de santé et les actions de prévention,
- le consentement du patient aux soins en fonction des informations apportées par le professionnel,
- la désignation de la personne de confiance par le patient lors de toute hospitalisation,
- l’accès aux informations de santé spécifiées directement par le patient à tout médecin qu’il désigne,
- les personnes concernées par cet accès : le patient, les ayants droit, un tuteur, le médecin désigné par le patient,
- la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge remplaçant la commission de conciliation,
- la participation des usagers au fonctionnement du système de santé en facilitant l’intervention des associations de bénévoles agréées.
Dans ce contexte, le patient devient l’acteur principal du système de santé. Il est considéré comme co-auteur de son projet de soins.
2.1.3. La formulation du projet
Elle nécessite deux étapes : le temps du patient et celui de l’accompagnement dans un cadre structurel et collectif par une réflexion interdisciplinaire.
2.1.3.1. Le temps du patient
Le terme « patient » désigne couramment une personne recevant une attention médicale ou à qui est prodigué un soin. Le mot patient est dérivé du mot latin « patiens », participe présent du verbe « déponent pati », signifiant « celui qui endure » ou « celui qui souffre[14] ». La personne soignée est fragilisée non seulement par sa pathologie mais aussi parce qu’elle est amenée, parfois brutalement, à évoluer dans un milieu qui lui est étranger, celui de l’hospitalisation et donc celui du soin.
Il existe plusieurs dénominations communes au terme patient, dont personne soignée, bénéficiaire de soins ou encore client. On commence même à utiliser le terme de « actient » (qui agit) du fait de l’évolution des malades à se renseigner eux-mêmes et à poser de plus en plus de questions.
Le patient étant au centre de notre sujet, il nous a paru primordial de commencer ce propos par cette évocation. Parmi les théoriciennes des soins infirmiers, nous avons retenu deux visions qui associent l’Homme aux notions de sens donné à la vie, de communication, d’interaction et d’adaptation.
Pour Rosette POLETTI, l’être humain est un :
Etre […] qui a un corps, des émotions, des pensées, des sensations, des perceptions, qui est traversé et entouré d’énergie, qui cherche à se réaliser, à trouver un sens à sa vie et qui fonctionne comme un tout intégré dans un environnement qui l’influence et sur lequel il agit […] Etre responsable qui possède des ressources lui permettant de vivre et de se restaurer […] Etre de sens dont le comportement doit être compris plutôt que jugé car il n’est jamais absurde. Etre de relation qui se construit et survit grâce à la communication avec les autres.[15]
Cette approche est complétée par celle de Callista ROY qui base sa conception sur huit postulats :
– L’Homme est un être bio-psycho-social.
– Il est en interaction permanente avec un environnement changeant.
– L’Homme a recours à des mécanismes d’adaptation.
– La santé et la maladie sont une dimension incontournable de la vie.
– Il doit s’adapter pour réagir positivement aux changements.
– L’adaptation dépend du type de stimulus auquel il est exposé.
– Le stimulus doit être suffisamment efficace pour déclencher une réponse.
– L’Homme possède quatre modes d’adaptation (besoins physiologiques, image et estime de soi, maîtrise des rôles, relations d’interdépendance).[16]
Nous complèterons ces deux affirmations par la vision d’un expert dans le domaine de la réadaptation, Walter HESBEEN[17]. Celui-ci évoque le soin comme la recherche d’un «…point d’équilibre aujourd’hui vers plus de place à l’humain et sa singularité par une intelligence soignante ou du singulier ». Cette vision humaniste place l’homme au centre des préoccupations mais le situe comme sujet de toutes les attentions particulières de la part des professionnels de santé. Chacun d’eux doit voir cet être unique non pas comme unique objet de soin mais comme être dont il faut prendre soin.
De son côté, Philippe SVANDRA aborde le soin sous l’angle de la possibilité donnée au malade de retrouver sa capacité d’agir malgré la vulnérabilité qui est la sienne et ainsi « faire de l’homme souffrant un homme capable[18] ». Ici, l’auteur considère l’être comme apte à se subvenir à lui-même, le soin servant de support à cette capacité.
Suite à ces approches, nous observons qu’elles ont toutes pour point commun de centrer les préoccupations sur l’être humain et cette vision humaniste du soin. Dans ce contexte, il nous semble alors important de développer maintenant le domaine de l’éthique et de la déontologie.
« Le mot éthique signifie science de la morale comme l’art de diriger sa conduite. Il s’agit d’une branche de la philosophie définissant les comportements moralement acceptables. L’éthique peut fortement varier en fonction des valeurs et de la culture[19] ». Plusieurs principes peuvent ainsi être affirmés :
- bienfaisance et non malfaisance,
- respect de l’autonomie de la personne et de son droit à l’auto-détermination,
- justice distributive (répartir les services équitablement, compte tenu des ressources limitées).
« Le terme déontologie signifie théorie des devoirs, de la morale. La déontologie est l’application de l’éthique sous forme d’obligations auxquelles doivent se soumettre les membres du groupe [20] ».
Nous abordons là, les notions d’acquisition de l’autonomie décisionnelle du patient, de bienfaisance dans le soin, de dignité humaine, ainsi que d’indépendance et d’idée de liberté prônées par certaines théoriciennes du soin. La place du patient est donc primordiale dans le projet de soins et par voie de conséquence dans la démarche que propose et mène l’équipe avec le malade en rééducation.
2.1.3.2. Le temps de l’accompagnement
Partant de cette vision humaniste, la réadaptation reconnaît à chaque être humain, le droit et le désir de croître et de se réaliser en raison de sa motivation la plus intrinsèque. En rééducation-réadaptation, le patient est, à part entière, un acteur du processus entrepris et il occupe une place active en fonction de ses caractéristiques particulières et de son évolution.
Nous retrouvons cette notion de projet de soins au niveau gérontologique où il appartient à celui plus global du projet de vie. En gériatrie, il est individuel et a pour but la participation de la personne soignée. Selon Julie BOUCHARA et Séverine RIVALLAN, il constitue « …un fil conducteur qui relie les soignants à la vie et leur rappelle des notions essentielles comme l’engagement, le respect, la bienveillance et la créativité[21] ». Le système doit s’adapter à ce malade, rester dynamique et modulable. A terme, il nécessite certes, de l’engagement, mais également du respect, de la bienveillance, de l’écoute, du dialogue et de la créativité, permettant l’émergence possible de plaisir, de désir d’avancer et globalement une certaine liberté individuelle tant pour le patient que pour l’équipe.
Les différents professionnels de santé sont des infirmières, des kinésithérapeutes, des médecins, des pharmaciens, etc… Chacun intervient avec son raisonnement qui aboutit à une démarche clinique propre, laquelle, selon Thérèse PSIUK[22], est une philosophie de soins de l’humain qui donne du sens à la démarche de chaque soignant, et par extension, à chaque intervenant auprès du malade, la relation soignant-soigné étant le fondement du raisonnement clinique. Mais ce dernier doit rester tri-focal, à savoir biopsychologique et socio-culturel, centré sur la personne et adapté à sa globalité par l’ensemble des professionnels. Chaque filière avance selon sa législation, ses connaissances acquises et ses expériences. Selon le Professeur Gérard FOUREZ[23], il existe des «…îlots de rationalité interdisciplinaires, c’est-à-dire la nécessité d’intégrer dans sa propre représentation, le point de vue des autres. Il s’agit d’une utilisation méthodique des apports des diverses disciplines pour conceptualiser des situations singulières ». Par ailleurs, il affirme qu’ « il ne peut y avoir de qualité du jugement clinique que s’il y a coordination des raisonnements cliniques entre eux ». Nous retrouvons la coordination dans ce temps de l’accompagnement, base de l’interdisciplinarité que nous observerons plus tard.
La spécificité du projet de soins en unité de soins palliatifs vient confirmer cette vision et présente tous ses composants ainsi que son impact sur les équipes, le patient et la relation qui les unit :
Pour éviter la seule juxtaposition de plusieurs professionnels autour du patient, l’équipe doit s’engager sur la voie de l’interdisciplinarité. Cela demande du temps pour réfléchir et articuler les compétences de chaque membre pour offrir au patient une position centrale dans le projet de soins palliatifs.[24]
2.1.4. Les attributs du concept
A travers la mise en lumière de ce concept, nous avons vu que la place du patient est déterminante, ce qui nous permet de distinguer plusieurs aspects qui doivent conduire vers une prise en charge holistique de ce malade.
Cette vision de globalisation de la prise en charge permet à la réflexion interprofessionnelle de s’attacher à rendre personnelle et singulière l’élaboration de ce projet pour chaque être. Voir le malade comme unique et entier paraît une évidence dans les propos et les réflexions, mais nous pouvons constater que le quotidien est tout autre parfois.
Cet outil vise également à préserver l’identité de la personne. Comme le précise Christian HESLON dans un article, « le projet est un projet sur l’autre comme objet du désir de soigner alors que le projet de vie est un projet pour l’autre[25] ». Il s’agit de transformer le projet sur l’autre en projet pour l’autre de manière à ne pas confisquer la parole aux usagers. Les lois tentent de la leur redonner mais les pratiques axées sur l’expertise soignante et/ou médicale ont tendance à faire oublier l’identité de la personne soignée et il est fondamental d’en tenir compte.
Un des leviers pour favoriser cette préservation identitaire passe par l’élaboration du projet avec la personne. Rendre le patient partenaire des réflexions et des décisions représente la moitié du chemin parcouru. Cette notion permet l’émergence des attentes, désirs, aspirations et souhaits de la personne soignée. L’évocation de ces différents termes témoigne de toutes les nécessaires attentions à porter aux propos du patient. Nous pouvons préciser le sens donné à chacun de ces termes afin de bien comprendre leur portée. On peut parler de besoins s’agissant de nécessités pour la survie physiologique ou psychologique d’une personne. Les attentes correspondent à l’attitude que l’on adopte par rapport aux nécessités, créant une situation de dépendance par rapport à ce besoin et donc par rapport à autrui. Ici, le patient est en attente d’un acte de soin de la part du soignant. Le désir, lui, est la volonté de réduction d’un sentiment de manque et en ce sens, on ne convoite que ce qui nous fait défaut. Pour le malade, il s’agit de lui faire exprimer ce qu’il souhaite voir être comblé. Les aspirations sont un mouvement des envies vers un idéal. Là, il est question de tendre vers celui du patient. Enfin, le terme de souhaits relate plus une volonté que quelque chose s’accomplisse, ce qui ne nécessite pas forcément l’intervention du malade lui-même. Même si le champ lexical est identique, les nuances existent et montrent que différents paramètres sont à identifier mais toujours pour, par et avec la personne soignée.
Une nécessaire relation de confiance doit s’établir avec les professionnels car l’accompagnement doit permettre de tisser des liens de sincérité et loyauté avec le patient. Quand ce dernier a pu exprimer ses besoins définis ci-dessus le personnel doit y répondre, en s’efforçant de créer un climat relationnel de confiance afin de parvenir à la mise en place de ce projet de soins.
De la nécessaire vision holistique au partenariat soignant-soigné dans la construction de ce projet, nous avons mis en évidence les deux étapes de cette prise en charge : celle du patient puis celle de la réponse apportée à ses demandes dans un cadre structuré et collectif. Cette dernière mérite un développement complémentaire puisque, quelle que soit l’institution, une réflexion interdisciplinaire pour une implication collective est inévitable et même nécessaire afin de pouvoir répondre aux besoins de cette personne dans les différentes dimensions de son accueil institutionnel.
Cette réflexion indispensable conduit à l’élaboration de projets concrets, autre attribut de ce concept. L’état des lieux passant par l’étude des volontés du patient et la réflexion des équipes pluri-professionnelles, il apparaît évident que l’aboutissement demeure le projet de soins individualisé.
Pour conclure et nous venons de l’exprimer de manière sous-jacente, la vision humaniste de la place du malade demeure l’essence-même de l’évocation, de l’élaboration et de la concrétisation de ce projet de soins individualisé du patient. Le considérer comme un être entier, certes dans une approche systémique, permet de se concentrer sur les objectifs d’une telle conception de l’être humain donc de la personne soignée.
2.2. Le concept du travail en équipe
Parallèlement à cette évocation du projet du malade, nous nous sommes interrogé sur le fait que l’obligation que sa prise en charge le place réellement au centre du dispositif de soins. Il nous a semblé pertinent de penser cette équipe comme constituée des différents professionnels amenés à intervenir autour de lui.
Lors d’une hospitalisation, suite à une consultation, le médecin définit une stratégie thérapeutique à l’issue de laquelle il propose l’intervention de différents partenaires qui fonctionnent selon des modalités de prises en charge et de cultures qui leur sont propres et complémentaires. Les conditions d’intervention des professionnels varient d’une institution à l’autre, d’un service médical à l’autre, d’un malade à l’autre.
2.2.1. Une étymologie et quelques approches
2.2.1.1. L’origine du terme équipe[26]
Il remonte au Moyen-Age et proviendrait du mot « esquif », terme qui signifie petite embarcation. L’appellation équipe était plutôt donnée à une suite de bateaux attachés les uns aux autres et tirés par des hommes le long de la rive, au moyen de cordes, à la manière des bateliers de la Volga en Russie. Un chef marquait la cadence, mais les efforts concertés venaient de chacun, autant de la tête que de la suite. L’image de l’équipe caractérisée par la formation de groupes de travail a pareillement été influencée par les sports, qui utilisaient depuis longtemps déjà le dynamisme du collectif. De nos jours, la répartition en équipes est devenue un concept important dans les organisations. Dans cette étymologie, se retrouvent les notions de lien et de but communs. Au sein de l’équipe, un leader oriente, soutient et évalue si besoin, assisté dans sa tâche par des membres qui coopèrent et contribuent à rendre le groupe fonctionnel et efficace. Une équipe peut se définir comme un ensemble de personnes travaillant à la même tâche, chacun y détenant sa part de responsabilité.
2.2.1.2. Quelques approches
Cependant, pour reprendre Margot PHANEUF[27], « Une équipe n’est pas un alibi pour laisser faire les autres… ». En effet, c’est une manière de vivre le travail, ensemble.
Franck PICARD, compétiteur skieur médaillé d’or aux Jeux Olympiques disait : « la réussite appartient à tout le monde, c’est au travail d’équipe qu’en revient le mérite ». Dans le domaine sportif ou professionnel, travailler en équipe s’apprend et se cultive. Tim ALLEN le confirme par la citation suivante : « Les hommes se plaisent à penser qu’ils peuvent se débrouiller seuls mais l’homme, le vrai, sait que rien ne vaut le soutien et les encouragements d’une bonne équipe. »
Il nous a semblé intéressant aussi de montrer par une carte conceptuelle[28] du travail en équipe, combien ce dernier se trouve imbriqué dans un enchevêtrement de concepts et d’attributs à la fois différents et si proches. Nous remarquons des interdépendances et interrelations entre de nombreux domaines. Cette carte présente bien, comme le précise Jean Michel MOTTA[29], l’équipe comme un « …ensemble d’éléments interdépendants, c’est-à-dire liés entre eux par des relations telles que si l’une d’elles est modifiée, les autres le sont aussi et par conséquent tout l’ensemble est transformé. » Nous pouvons alors observer toutes les interactions qui existent au sein d’une équipe et tout ce qui se joue à chaque acte posé par l’un de ses membres.
Dans le domaine des soins, une équipe est un ensemble de personnes travaillant ensemble. Elles sont liées par des interrelations, ont conscience d’une appartenance au groupe et poursuivent un but commun. Ce travail suppose un investissement collectif mais aussi une répartition de la tâche entre les membres et la convergence de leurs efforts.
Ces différentes approches avancées, nous devons clarifier leur évocation dans le cadre législatif afin de bien comprendre ce qui se joue dans cet environnement.
2.2.2. Le cadre législatif
Déjà, dans les années 70, des textes incitaient au rapprochement au sein de syndicats inter-hospitaliers, ils pressentaient ce qui allait devenir par la suite plus qu’une incitation, une orientation législative, bien au-delà de la sphère interne des hôpitaux.
Dans un article de la revue Soins Cadres de Février 2002[30] qui dressait le bilan et les perspectives de la coopération inter-hospitalière, Marie Laure MOQUET-AUGET, directeur du Laboratoire d’Etudes de Droit Public à l’Université de Rennes I, estimait que « le réseau de soins c’est un peu le Pacs entre personnes morales dans le secteur de la santé… De ce fait, cela consiste à faire travailler ensemble des personnes qui ont le même projet mais des règles de fonctionnement différentes ».
Comme nous l’avons vu précédemment, le projet de soins infirmiers, institué par la loi du 31 juillet 1991, puis transformé par celle du 19 avril 2002 en projet de soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques[31] vient confirmer cette notion du « travailler ensemble ». Même si cette approche se révèle institutionnelle, si le sens du projet est l’acception collective et s’il précise la politique générale des soins, il n’en demeure pas moins vrai que la personne soignée ainsi que les professionnels sont au centre de ce projet.[32]
Les professionnels de santé doivent entretenir de bonnes relations professionnelles par le respect mutuel, la clarification des rôles et responsabilités de chacun, le maintien d’une communication chaleureuse, fonctionnelle et finalement la coopération, le soutien. Pour l’illustrer, l’article R4312-12 du décret du 29 juillet 2004[33] mentionne que :
Les infirmiers ou infirmières doivent entretenir entre eux des rapports de bonne confraternité. Il leur est interdit de calomnier un autre professionnel de la santé, de médire de lui ou de se faire écho de propos susceptibles de lui nuire dans l’exercice de sa profession. Un infirmier ou une infirmière en conflit avec un confrère doit rechercher la conciliation.
Enfin, la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009[34] portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (loi H.P.S.T.) a introduit la coopération inter-établissements et intra-établissements (structuration interne) afin de renforcer cette idée de partenariat, de conventionnement et de réseaux.
2.2.3. Les attributs de ce concept
Partant de l’origine de ce concept et du cadre législatif dans lequel il s’inscrit, nous avons pu dresser une liste non exhaustive d’attributs afin de le préciser.
Les buts et la mission de l’équipe de travail sont clairement formulés, compris et acceptés. L’engagement dans cette direction est valorisé et reçoit l’appui des membres du groupe dans un but clair et partagé. Travailler ensemble c’est s’orienter vers un même objectif. Dans l’équipe de soins, ce projet représente le bien-être du patient.
Les membres comprennent qu’ils font partie d’un ensemble qui a du succès. Le sentiment d’appartenance permet la loyauté envers l’équipe et un effort soutenu pour l’améliorer. Le groupe exprime les valeurs de ses membres et permet l’accomplissement de chacun.
Les partenaires développent un sentiment d’équipe. La cohésion devient la base de l’esprit de groupe. Le travail produit est plus que la somme des parties. L’interaction et la rencontre des forces de chacun apportent un plus : une synergie. L’alliance qui se créée favorise l’action, voire la stimule.
Il est possible de communiquer ouvertement, pleinement et franchement sur les sujets importants. Les conflits sont perçus comme normaux. Un climat de confiance et d’honnêteté se développe, synonyme d’ouverture. Cela facilite le partage de l’information. La confrontation positive est possible.
La coopération et le support mutuel sont des valeurs repérables et permettent que l’équipe soutienne ses membres ainsi que son leader. Les désaccords sont résolus. S’établissent avec le temps des relations détendues de travail, des attentes mutuelles positives, une atmosphère de coopération, une entraide, un désir d’influencer et d’être influencé. Les nouveaux membres sont accueillis avec enthousiasme. L’atmosphère informelle permet désaccords et critiques dans un climat confortable et civilisé. Les membres de l’équipe sont interdépendants. Les conflits portent sur des problèmes spécifiques et non sur des personnes. Un leader soigneusement désigné, créée des relations de support et de coopération, il n’écrase pas les membres de l’équipe.
L’équipe utilise les forces de chacun sans nuire au développement individuel. Les éléments du groupe apportent leurs compétences, leurs connaissances, s’entraident et améliorent leurs habiletés. L’expérience favorise un meilleur fonctionnement, une discipline personnelle, permet d’optimiser les talents, de guider de façon constructive, d’aider ceux qui sont moins efficaces à s’améliorer. Les individualités potentialisent le collectif.
L’équipe bénéficie des savoir-faire relationnels plus développés de certains. Chacun participe aux discussions et aux décisions, ces dernières prises par consensus. Les membres sont conscients du processus de groupe. L’atmosphère est ouverte, non menaçante, non compétitive, facilitant la participation. Les relations avec d’autres groupes sont saines. Les relations interpersonnelles et interactions sont donc une base incontournable. Tout ceci concourt à créer une communication efficace alliée à une circulation de l’information indispensable.
Une atmosphère d’entraide stimule la créativité. Les influences mutuelles potentialisent la flexibilité. L’utilisation des ressources est efficiente et une approche orientée vers la recherche de solutions est poursuivie.
Chacun sait ce que l’on attend de lui dans son rôle et comprend sa position par rapport aux autres. Les assignations sont claires, acceptées et aboutissent à la clarification des rôles et des responsabilités de chacun.
Les règles sont connues. Les membres écoutent et dialoguent grâce à des procédures saines. L’équipe est bien organisée et bénéficie de décisions prises à partir de principes et stratégies à long terme.
L’équipe construit des liens fonctionnels avec d’autres groupes. Les membres développent des relations externes privilégiées avec des personnes-clés. Ils assurent la crédibilité de leur équipe.
Des évaluations des forces individuelles et du groupe sont effectuées régulièrement. Des décisions objectives sont prises à partir de bilans portant sur les résultats. Chacun s’intéresse à l’analyse de sa propre efficacité.
2.3. De la pluridisciplinarité à l’interdisciplinarité
2.3.1. Les définitions
Principe à la mode dans différents domaines que ce soit l’éducation, le médico-social ou le sanitaire, quel secteur n’est pas interdisciplinaire ? Contentons-nous d’explorer celui de la santé et notamment la rééducation-réadaptation puisque le travail porte sur ce sujet. Nous présentons ici quelques informations permettant de différencier la multi, la pluri, l’inter et la transdisciplinarité. Nous avons retrouvé plusieurs approches émises par différents auteurs mais nous retiendrons de manière exhaustive certaines d’entre elles.
Celles de Bruno FORTIN[35], psychologue, s’appuyant sur celles de Philippe VOYER, présentent des similitudes mais surtout des écarts importants qui nous ont permis de clarifier ces différents aspects du travail en équipe :
Est multidisciplinaire, l’équipe qui adopte la juxtaposition de différents savoirs et l’utilisation parallèle de plusieurs disciplines, sans qu’il y ait de relations établies entre elles.
Est pluridisciplinaire, l’équipe qui adopte l’utilisation combinée de différentes disciplines, en vue d’une meilleure efficacité.
L’interdisciplinarité vise à mettre en relation d’échanges et de travail des personnes dont la formation professionnelle est différente en vue d’offrir une complémentarité suffisante pour bien desservir une clientèle à problèmes multiples.
La transdisciplinarité se manifeste lorsque les interactions entre les différentes disciplines sont tellement fondamentales et devenues nécessaires qu’elles aboutissent à l’identification d’une nouvelle discipline (par ex., la gérontologie sociale, la psychologie communautaire, la psychosociologie, etc.).
Par ailleurs, la définition du Dr Réjean HEBERT, traitant du sujet lors d’un colloque au Canada en 1997 précise ce que représente cette interdisciplinarité :
« Le regroupement de plusieurs intervenants ayant une formation, une compétence et une expérience spécifiques qui travaillent ensemble à la compréhension globale, commune et unifiée d’une personne en vue d’une intervention concertée à l’intérieur d’un partage complémentaire des tâches[36]».
Nous retiendrons, pour ce qui concerne ce mémoire, le travail pluridisciplinaire et la notion d’interdisciplinarité. Compte tenu des définitions citées, il nous semble que le travail en rééducation-réadaptation répond à ces deux points. En effet, le travail en équipe pluridisciplinaire existe bien dans de nombreux secteurs dont celui qui nous intéresse. L’interdisciplinarité, quant à elle, ne se décrète pas, elle se vit. Omniprésente dans les discours, la difficulté consiste à lui donner vie. Il est nécessaire d’y travailler mais contrairement à la pluridisciplinarité, elle demande un effort de tous.
La pluridisciplinarité repose sur un fonctionnement où la complémentarité des acteurs est fondamentale et reconnue. Le chevauchement des actions des membres des équipes est inévitable, cela nécessite une identité professionnelle développée et une parfaite connaissance de son champ de compétences. Chacun doit s’affirmer au sein de l’équipe pluridisciplinaire tout en respectant la place de l’autre. L’équipe entame alors une réflexion pluridisciplinaire. La mise en œuvre de ce projet commun créée l’interdisciplinarité. Chacun possède des connaissances et recueille des informations qui enrichissent les échanges entre professionnels. Cette réflexion pluridisciplinaire aboutit à l’élaboration d’un projet de prise en charge commune. L’interdisciplinarité est une notion complexe. Elle centre les actions du groupe sur la qualité globale de la prise en charge et non sur les actions des différents spécialistes. La prise en charge et le suivi du patient sont alors cohérents, adaptés et personnalisés. L’efficience du groupe suppose une réelle interaction entre professionnels, inspirée de valeurs partagées. Comme le dit le Dr Jean Michel WIROTIUS[37] du Centre Hospitalier (C.H.) de Brive, « Ici, les préoccupations sont convergentes et orientées, de la diversité vers l’unité ». Les prérequis à l’interdisciplinarité sont les suivants : un projet de soins commun, une représentation partagée, des valeurs communes, une définition claire des responsabilités et des rôles, un accord sur les modes de fonctionnement collégial. Les freins observés sont le corporatisme, la non-maîtrise du champ disciplinaire, la dérive du projet interdisciplinaire, l’interdisciplinarité permanente et enfin un cursus de formation qui n’intègre pas les principes de ce concept.
2.3.2. Les intervenants et les difficultés
L’équipe correspond à un grand nombre de personnes qui évoluent dans un environnement mouvant, en proie à des modifications permanentes. L’équipe pluridisciplinaire n’échappe pas à ce constat et nous avons observé que le travail de coopération répondait également à certaines règlementations ou incitations. De l’infirmière au médecin, du cadre de santé au kinésithérapeute, ces professions différentes cohabitent malgré des caractéristiques qui leur sont propres. La pluridisciplinarité se vit au quotidien. Nous dirons que le travail est avant tout multidisciplinaire et que cette différenciation, nous l’avons vu, a son importance. L’une comme l’autre se décident. Un service peut être multidisciplinaire sans être forcément pluridisciplinaire, puisque cette dernière notion suppose une collaboration, alors que la première se présente comme une simple juxtaposition. Nous pourrions dire que les disciplines existent les unes à côté des autres, elles cohabitent dans un même bâtiment. Il s’agit d’une copropriété. Au contraire, la pluridisciplinarité s’apparente plus à une colocation où chacun peut profiter des structures, utiliser les mêmes services, est redevable à l’autre dans l’utilisation qu’il en fait.
Les soignants et intervenants peuvent ressentir des difficultés dans la mise en pratique de l’interdisciplinarité et regrettent parfois le manque de communication entre les intervenants. Des problèmes de suivi de l’évolution du patient sont fréquemment relevés. Ils se caractérisent par des manques multiples : défaut de collaboration, de cohésion, de cohérence dans les actions, d’esprit d’équipe. Tous ces faits observés nuisent à une prise en charge optimale et sont directement imputables à l’inorganisation entre professionnels. Ceci peut être dû à un manque de temps, de disponibilité, à l’éloignement géographique des intervenants, à un manque de motivation ou à des «conflits» entre intervenants ; une méconnaissance des autres professions, un langage spécifique à chaque fonction avec des significations différentes pour chacun peuvent également être à l’origine de dysfonctionnements. Le manque d’organisation, d’anticipation du déroulement de la rééducation et la multiplication des supports de suivi de l’évolution, voire plusieurs sources d’information concourent, de même, à rendre inopérante la prise en charge du patient. Enfin, les difficultés de traçabilité, de transmission entre les intervenants et un déficit d’objectifs communs à tous les professionnels affectent l’efficacité des soins. Véritable fil conducteur de la rééducation, le projet de soins permet à tous d’avancer dans le même sens et de poursuivre les mêmes priorités.
2.3.3. Les attributs mis en évidence
Après quelques précisions préalables, nous avons démontré que les intervenants pouvaient travailler auprès de la même personne sans se rencontrer, sans communiquer ou de manière inefficace, alors que leur objectif est le même, satisfaire les besoins de la personne soignée. Passer de la pluridisciplinarité à l’interdisciplinarité mérite de se pencher sur les conditions ou attributs de ce concept récent et en devenir. Ils sont très nombreux, aussi, mentionnerons-nous ceux qui, à nos yeux, nous semblent les plus importants.
Aspirer à une prise en charge optimale pour un patient donné nécessite avant tout de concevoir un projet commun, c’est-à-dire partagé. Il doit être construit en équipe et chacun doit pouvoir y trouver sa place, médecins, soignants, rééducateurs et principalement le patient et son entourage, tous associés à cette communauté d’objectifs.
Evoluer ensemble autour du patient exige d’avoir développé des valeurs communes. L’Homme, être central, demeure la première d’entre elles. Il s’agit de le considérer comme être unique et singulier à respecter dans sa différence, laquelle se manifeste, pour le thérapeute par une approche particulière du handicap : la réadaptation. Chacun est observé au travers de celui qu’il est et non celui qui porte un handicap. Chaque action prend alors un sens pour la personne concernée car respectueuse de ses désirs, de ses limites et de ses moyens. Parmi ces valeurs communes, la réinsertion sociale souhaitée et projetée par chacun des professionnels à l’égard de la personne soignée en est une prioritaire.
A la limite d’être une valeur, l’utilisation d’un langage commun demeure une base de l’interdisciplinarité. Chacune des disciplines qui gravitent autour de la personne soignée utilise un langage propre à sa spécialité, issu du processus de formation, de la pratique quotidienne et du champ de compétences de chacun. Cependant, pour que la prise en charge soit efficiente, tous doivent orienter leurs efforts en direction des autres. L’interdisciplinarité doit s’exercer dans la pratique d’un langage commun, que ce soit dans les outils ou leur utilisation. En effet, à quoi sert l’emploi d’une échelle de mesure de l’autonomie chez les soignants si elle ne peut être lue par les rééducateurs ? L’inverse n’en demeure pas moins vrai.
Ce langage commun se met en place par un canal écrit ou oral, afin de permettre la circulation de l’information, autre base de l’interdisciplinarité. Le décodage des langages de chacun dans le seul souci de la meilleure prise en charge du patient pour la circulation des données le concernant est une évidence de chaque instant.
Suite à l’évocation de ces premiers attributs, nous observons que chacun détient une responsabilité individuelle. Mais, comme le stipule la définition de l’interdisciplinarité mentionnée précédemment, il s’agit de mettre des personnes en relation d’échanges et de travail, ce qui leur confère une responsabilité collective. Elle est engagée à chaque évaluation des progrès du malade sans condamner telle ou telle profession. L’implication est commune, l’évaluation l’est également.
Dans les attributs du travail en équipe, nous avons pu décrire la place du leader mais dans ce concept élargi à l’interdisciplinarité, le « chef » n’existe pas réellement, chacun se partageant une partie de ce rôle. Bien que le médecin occupe une place centrale de prescripteur, la collégialité décisionnelle s’observe dans ce domaine. Chaque intervenant pose des actes envers le patient pour son bien-être mais les staffs et les synthèses se réalisent de manière communautaire, ce qui conduit à des objectifs et actions décidés ensemble.
Si les décisions doivent être communes, la collaboration constitue un autre élément essentiel. Comme le précise Christophe DEJOURS,
…les liens entre les agents dans la coopération, c’est-à-dire cette fois face aux difficultés réelles rencontrées dans le travail en situation, sont spécifiques de la tâche et des activités qu’elle implique. Les liens de coopération sollicitent les initiatives individuelles en vue de combler les lacunes de l’organisation du travail dans la définition et la description des tâches…[38]
Cette coopération doit faire face aux difficultés structurelles rencontrées par les professionnels et dans notre cas, les différents espaces et temps dans lesquels ils évoluent ne la favorisent pas. Elle demeure indispensable à cultiver pour donner tout son sens à la prise en charge globale du patient et à la bonne adéquation entre des objectifs formulés et des actions décidées. Le temps et l’espace commun sont celui du patient et la coopération entre les professionnels s’exerce dans la compréhension de cette unité spatio-temporelle.
Dans ces circonstances, la parfaite connaissance de son propre champ de compétences et des autres professionnels travaillant auprès de la personne soignée permet le respect mutuel. En effet, cette compréhension favorise la considération pour le travail de l’autre et les limites du périmètre d’action des intervenants auprès du patient.
Tous ces attributs viennent compléter ceux déjà avancés dans le concept du travail en équipe sur fond de communication, omniprésente dans la prise en charge du patient par différents professionnels. Les échanges entre eux sont essentiels : l’équipe s’engage au quotidien dans cette philosophie pluridisciplinaire mais pour donner vie à cette interdisciplinarité, chaque spécialiste doit comprendre l’aspect fondamental du communiquer avec ses partenaires de soins.
2.3.4. L’interdisciplinarité en rééducation et réadaptation
Il existe bien un esprit de la réadaptation qui ne se présente pas comme une discipline médicale traditionnelle. La construction des savoirs de réadaptation s’appuie sur l’évolution de la notion de handicap dans notre société. De la définition par Philip WOOD, à qui l’Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.) confia en 1980 la clarification de handicap et de réadaptation, à l’aboutissement en 2000 de la Classification Internationale du fonctionnement, du Handicap et de la santé (C.I.H.2), le chemin est long. Il parvient à prendre en compte ce handicap dans nos sociétés modernes et à assister les réadaptateurs dans leur ambition d’accompagner une personne, limiter sa souffrance ou son sentiment de personne handicapée à cause des caractéristiques qui sont les siennes. Pour une personne en fauteuil roulant, un obstacle (un trottoir non accessible par exemple) est reconnu plus handicapant que l’infirmité ou l’invalidité de la personne elle-même ; les sociétés doivent travailler à améliorer les conditions d’accessibilité. La société doit envisager d’intervenir sur les deux tableaux : le structurel et l’humain, c’est-à-dire aménager le premier afin de soulager le second.
Chaque professionnel prend en charge le patient de manière différente tout en se fixant le même objectif, c’est l’essence-même de la réadaptation. Comme le dit Walter HESBEEN, cet esprit particulier « …permet à chaque professionnel […] de changer de paires de lunettes, de l’adapter pour tenter de mieux voir, de mieux analyser en vue d’agir dans une situation humaine donnée[39] ». Ce regard spécifique à chacun s’inscrit dans la vision singulière d’un être unique, sans le réduire au simple résumé de son incapacité ou diminution.
Or, à force de réfléchir sur le concept d’interdisciplinarité et sur les difficultés de sa mise en pratique dans notre quotidien en réadaptation, on en oublie, parfois, un peu le patient ! Cette conception est étudiée depuis plusieurs années, de nombreux travaux ont été publiés, des formations sont largement proposées et ses fondements semblent indispensables à notre profession et à notre pratique en rééducation. N’oublions pas que c’est avec le patient et notre pratique auprès de lui que nous légitimons notre action et donnons de la valeur à l’interdisciplinarité, sinon cela demeure au stade du concept.
« Il est préférable de connaître certaines des questions
plutôt que toutes les réponses ».
James Thurber.
Suite aux éclairages théoriques apportés par nos lectures, nous avons pu préciser les concepts qui sous-tendent le sujet de départ et émettre l’hypothèse de notre travail de recherche.
Sa définition nécessite maintenant une démarche de vérification. Au cours de ce chapitre, nous développerons les objectifs de l’enquête, le choix de l’outil ; nous poursuivrons par la présentation de la méthodologie employée avant de clôturer par les résultats et leur analyse.
3.1. Les objectifs
Notre travail de recherche se base sur une démarche hypothético – déductive que nous devons à présent vérifier. Confirmer ou infirmer notre affirmation présupposée selon laquelle, « l’élaboration d’un projet de soins commun centré sur le patient favorise le travail en équipe pluridisciplinaire en rééducation et réadaptation fonctionnelle », demeure l’objectif central de notre enquête. Pour cela, nous devons choisir entre une méthode basée sur les entretiens et une seconde sur les questionnaires, des procédés différents pouvant également convenir à notre sujet. Cette étude doit nous permettre de vérifier si le projet de soins individualisé construit en commun est un moyen de développer l’interdisciplinarité au sein de l’équipe pluridisciplinaire. La confrontation des résultats de l’enquête avec notre hypothèse de travail constitue un objectif différent.
3.2. Le choix de l’outil
Nous avons donc opté pour la méthode du questionnaire souhaitant privilégier un grand nombre de réponses : « La statistique est une méthode scientifique destinée à l’étude de propriétés numériques des ensembles nombreux[40] » que l’on dénomme habituellement « populations ». Nous savions également que de multiples professions étaient impliquées dans le thème de ce travail de recherche, ce qui a influencé notre choix. Le rôle de la méthode statistique nous permet aussi de « …mettre en évidence à la fois des faits […] et des facteurs qui les déterminent. » comme le stipule François DE SINGLY[41]. Ce même auteur déclare que l’objectivation est nécessaire dans ce procédé. Cependant, elle s’inscrit dans l’intention de l’auteur du questionnaire et rarement dans l’objectivité pour le questionné. Il existe de nombreuses limites à cette forme d’enquête : les réponses sont basées sur la perception de l’individu et sur la notion d’un réel inépuisable, c’est-à-dire qui bouge sans cesse et modifie ainsi la perception de chacun de nous. Elles sont ainsi induites par la perception du quotidien, ce dernier étant mouvant et instable. Un autre travers est le public cible avec des différences sociales notamment entre les professions visées. D’un médecin généraliste à un médecin rééducateur, d’un orthophoniste à un infirmier ou d’une aide-soignante à un kinésithérapeute, la vision des choses est différente tant d’un point de vue professionnel que de celui du positionnement social. Dans chaque enquête, ces aspects sont relevés et nous en avons tenu compte dès le départ. Enfin, le dernier biais repéré réside dans le vécu de chacun sur les thèmes présentés. Il est indéniable que, selon les points positifs ou négatifs que chaque professionnel reconnaît à son activité, les réponses en seront influencées au point de faire passer un message potentiel.
Le questionnaire[42] est composé de 17 questions dont certaines présentent des sous-questions dépendantes des principales : 8 sont semi-ouvertes, 1 ouverte et donc 27 fermées. Au total, 36 réponses sont attendues ; parmi ces dernières, la plupart sont à choix multiples et une nécessite un résultat ordonné. Les deux premières questions sont d’ordre social. Même si cela n’apparaît pas pour le répondant, on peut répartir les interrogations dans trois catégories : la prise en charge du patient, le travail en équipe pluridisciplinaire et l’interdisciplinarité qui correspondent aux concepts mis en évidence, le troisième étant en fait implicite au travers des questions et des réponses.
Avant de poursuivre, nous présenterons quelques définitions afin de s’entendre sur les termes utilisés en méthode statistique. Le terme de « population » est employé pour désigner la strate de référence sur laquelle porte notre enquête. « Une fois définis sans ambiguïté, les individus constituant la population étudiée pourront être analysés relativement à un ou plusieurs aspects nommés ‘’caractères’’[43] ». Ainsi, dans la première question de notre étude le caractère représente la filière, puis, dans la seconde, l’ancienneté. Les caractéristiques soignante, rééducation, sociale, médicale et autre, sont dénommées « modalités ». Enfin, lorsqu’en méthode statistique nous évoquons le « mode », nous exprimons « la valeur de la variable qui se répète le plus souvent[44]».
L’utilisation du logiciel Le Sphinx Plus 2 ®[45] est nécessaire à la saisie du questionnaire, des réponses, à leur exploitation, au classement par thèmes et enfin à l’analyse globale. Nous aurions éventuellement pu améliorer le système en créant un blog internet sur lequel les questionnés auraient pu directement saisir leurs réponses réduisant par ce biais les temps d’exploitation et augmentant le taux de réponses, bien que le nôtre soit plutôt satisfaisant. Cependant, la saisie directe permet une meilleure appropriation des contenus et un questionnement quant à la signification de certaines réponses.
3.3. La méthodologie employée
3.3.1. La population et les caractères étudiés
Dans ce questionnaire, notre première interrogation porte sur la population visée dont il faut cibler un public particulier. Nous avons retenu la méthode des quotas. Elle permet « …de connaître la structure de la population de référence au moins selon quelques dimensions considérées comme les plus importantes[46] ». Nous avons privilégié un échantillon jugé représentatif des équipes pluridisciplinaires en rééducation et réadaptation. Ce choix se base sur nos connaissances dans le centre qui nous emploie et sur une revue de la littérature qui traite ce thème (mémoires, articles…). La répartition s’établit ainsi : 50 % en filière soignante (infirmier et aide-soignant), 30 à 35 % en filière rééducative et sociale (kinésithérapeute, ergothérapeute, orthophoniste, psychomotricien, psychologue, assistante sociale, animateur…), 10 à 15 % en filière médicale et encadrement (médecin généraliste, médecin rééducateur, cadre de santé, faisant fonction…). Nous avons respecté ce schéma dans l’acheminement de nos demandes d’autorisation[47] pour la distribution de questionnaires.
Au départ, nous nous interrogions de la manière suivante : fallait-il différencier les questionnaires agents et médecins-encadrement, notre questionnement portant sur des logiques et priorités différentes ? Nos hésitations se sont dispersées rapidement considérant que chacun appartenait à l’équipe et poursuivait le même objectif, la personne soignée et son projet de soins. Parallèlement, un premier test de questionnaires distincts a fait surgir cette interrogation quant à la différenciation entre les interviewés, ce qui a confirmé l’erreur de cheminement de départ.
Après avoir défini la population concernée, il nous a paru important de décider des caractères qualitatifs et quantitatifs. D’une part, « les caractères qualitatifs apparaissent comme les différentes rubriques d’une nomenclature établie de telle sorte que chaque individu de la population étudiée figure dans une rubrique et une seule[48] ». Nous avons réparti les professions par filières. Ainsi, nous avons défini un caractère qualitatif (filière) retenant cinq rubriques (soignante, rééducation, médicale, sociale ou autre) dans la nomenclature des disciplines que nous retrouvons habituellement en rééducation-réadaptation. Les observations nous ayant conduit à l’hypothèse de départ montraient des incohérences entre filières, moins tangibles entre professions. Par ailleurs, nous souhaitions ne pas stigmatiser une profession par rapport à une autre. Enfin, l’échantillonnage stratifié[49] limite le risque d’interprétation hâtif dans des groupes sociaux à faible effectif (par exemple diététicienne). D’autre part, le caractère quantitatif est déterminé lorsqu’il est en nombre infini ; il s’agit d’une variable statistique. S’agissant de notre questionnaire, seule la question concernant l’ancienneté en rééducation-réadaptation répond à ce repérage mais n’influence pas directement notre analyse. L’ancienneté nous sera utile seulement pour déterminer si elle peut avoir un impact sur la perception de l’interdisciplinarité dans ce secteur. Néanmoins, nous n’avons pas fixé de quota dans ce domaine, ce paramètre ne semblant pas nous permettre de tirer des enseignements ; l’échantillonnage se présentait trop fastidieux et sans réel intérêt.
3.3.2. Des éléments de choix
La répartition déterminée, les lieux d’envoi devaient être ciblés à leur tour. Le premier élément de choix réside dans le souhait de trouver un contact personnel privilégié sur ces lieux afin de faciliter le retour des questionnaires et d’augmenter ainsi le pourcentage de réponses. Nous avons donc opté pour les services où nous pouvions faire fonctionner le réseau professionnel. Par ailleurs, nous désirions une seconde répartition par strates d’établissement, soucieux de proposer une représentativité structurelle de la rééducation-réadaptation. Le choix s’est alors porté sur les Centres Hospitaliers Universitaires (C.H.U.), les Centres Hospitaliers (C.H.) et les structures privées de type Centres de Rééducation (C.R.). Géographiquement, notre souhait était de toucher tout le Limousin et bien au-delà. La décision finale a donc été dictée par ces différents paramètres : géographie, personnes ressources, répartition.
Le nombre de questionnaires à envoyer constituait également un élément de réflexion. Considérant que le taux de retour habituel est compris entre 30 et 35 % et qu’un retour inférieur à 30 questionnaires ne permettrait pas une exploitation minimum, nous avons opté, dans un premier temps, pour une distribution de 100 exemplaires. Mais au fur et à mesure des contacts pris, il nous a semblé qu’un nombre supérieur pouvait être adressé. Aussi, sommes-nous parti sur une base de 170 demandes adressées aux directeurs des soins, réparties sur 3 C.H.U. à raison de 30 questionnaires chacun, 1 C.H. avec 20 questionnaires et 3 C.R. pour 20 exemplaires par structure. Ces différences de dotations s’expliquent par des effectifs de professionnels plus ou moins élevés. Finalement, ce sont 160 questionnaires qui furent envoyés (le C.H. n’en ayant souhaité que 10). Nous avons rencontré des difficultés sur les C.H.U. Parmi les deux établissements extérieurs à la région, un a décliné la proposition, et le cadre de santé du service du second a réorienté la demande vers un collègue travaillant dans un C.H., expliquant que son service ne répondait pas à notre demande. Un C.H.U. ne pouvant donner suite à notre proposition, nous avons adressé les questionnaires à deux centres de rééducation. Ces faits attestent de la difficulté à cibler les services dont les activités s’apparentent le mieux à un service de rééducation et réadaptation fonctionnelle. Le nombre de questionnaires par structure peut également constituer un frein : nous l’avons constaté uniquement pour le C.H. qui a réduit la demande de moitié. Par contre, les C.R. ont répondu très largement.
Concernant la date de retour des questionnaires, il a été difficile de la respecter. Initialement prévue le 15 février (54 réponses), cette règle fut nécessairement contournée et une nouvelle échéance posée au 23 février (84 réponses). Enfin, une date ultime a été fixée au 4 mars afin de mettre un terme à cette phase, réception de 14 nouveaux questionnaires portant à 98 le nombre définitif de réponses, soit un bilan proche de 61,3 %. L’explication quant au non-respect de la première date par les professionnels peut-être la suivante : période de vacances scolaires correspondant à la date initiale choisie, désistement d’un C.H.U., ce dernier représentant 30 exemplaires, soit près de 20 % que nous avons reportés sur 2 C.R. à raison de 15 questionnaires chacun. Nous prenons conscience du fait que le délai de réponses doit être bien mesuré : la prise de contacts dans l’urgence ne favorise pas un retour optimal, un délai trop court ne prend pas en compte le quotidien déjà lourd des services et un délai trop long risque de voir les questionnaires oubliés sur un bureau ou dans un placard. Concernant notre enquête, seul ce dernier écueil a pu être évité, les deux premiers ayant pesé sur le pourcentage de retour. Par contre, lors du dépouillement nous avons dû écarter 13 questionnaires incomplets sur cette série qui concernait un centre de rééducation (une page oubliée lors de l’envoi). Une conclusion directe s’impose : la vérification des dossiers avant tout envoi ; effectuée par une tierce personne, elle aurait permis d’éviter cet écueil. La méthode du questionnaire demande un travail de soutien par des tiers : ainsi, à plusieurs reprises, nous avons demandé l’appui de personnes ressources extérieures à notre travail. Cette formule choisie nécessite une rigueur de chaque instant et un fonctionnement hors de l’urgence. Finalement, notre analyse portera sur 85 questionnaires, ce qui représente tout de même un chiffre correct pour établir une analyse fine des résultats avec un taux de retour de 53,1 %.
Durant la conception, nous souhaitions exclusivement des questions ouvertes afin de faciliter le dépouillement. Ce fonctionnement limite aussi l’interprétation et l’impact de la perception des professionnels sur des phénomènes mis en évidence par le thème choisi. Il donne peu de place à la liberté d’expression et favorise l’analyse quantitative. La réflexion et les échanges avec le directeur de mémoire ont alors modifié nos représentations et fait apparaître l’intérêt de proposer des questions semi-ouvertes, dans le but d’une analyse qualitative et quantitative, nécessaire à une exploitation ultérieure optimale. Le questionnaire fut élaboré par thèmes, dans une suite voulue logique, faisant déjà émerger certaines corrélations, certaines dépendances dans les questions, donc probablement dans les réponses. Dans ce même domaine, la place des mots et leur tonalité peuvent avoir une incidence sur les réponses ; aussi avons-nous fait preuve de vigilance afin de ne pas induire de réponses, proposer des doubles, triples questions, voire au-delà dans le but de faciliter l’implication personnelle.
Nous avons choisi peu de déterminants sociaux, le sujet de notre travail n’y étant ni directement, ni indirectement rattaché. Par contre, comme le précise François DE SINGLY[50], nous avons utilisé les questions de fait et les questions d’opinion. Les premières font appel à une constatation, une information sur soi ou les autres, et sont potentiellement vérifiables alors que les secondes sont basées sur un ressenti, un avis.
L’analyse qui va suivre ne peut être exhaustive car plusieurs données sont observables, certaines supposées et d’autres non décelables. Nous pourrons donner uniquement des indications de tendances et non de véritables valeurs statistiques car tous les paramètres de l’étude ne sont pas maîtrisés (indicateurs de dispersion, de distribution). En effet, la remise et le recueil des questionnaires permettent d’arriver à la conclusion suivante : la constitution du panel des personnes interrogées est interdépendante des personnes ressources contactées et de celles présentes au moment de l’enquête. Pareillement, l’échantillon par quotas est différent de celui constitué par les réponses. Tous ces éléments nous ont permis de nous interroger sur les différents aspects de la constitution d’un questionnaire, ce qui favorisa l’exploitation des données recueillies que nous allons présenter dans le chapitre suivant.
3.4. L’analyse
La première étape de l’analyse[51], que nous proposons d’effectuer, se situe au niveau quantitatif par un tri à plat. En second lieu, nous développerons le niveau qualitatif au fur et à mesure du déroulement de cette exploitation. Nous présenterons chaque question de la manière suivante : objectif recherché, tableau et/ou graphique et déductions, une grille d’analyse conçue préalablement, ayant été utilisée en tant que support.
3.4.1. La signalétique
« Quelle est votre profession ? Précisez »
Il est demandé de répondre par filière puis de préciser la profession. Sur la première partie de la question, nous obtenons le tableau suivant :
Concernant la population définie, si nous considérons les choix effectués, les chiffres sont assez proches. Le pourcentage de retour pour la filière soignante est légèrement inférieur au chiffre cible (47 % pour 50 % espérés) au profit de la filière rééducation qui recueille les 3 % d’écart (39 % contre 30 à 35 % réalisés). Aucune déduction ne peut être établie de manière certaine, étant tributaire de la distribution effectuée par les cadres. Néanmoins, quelques hypothèses peuvent expliquer cette différence : la moitié des cadres distributeurs est issue de la filière rééducative, la filière soignante est plus difficilement mobilisable pour la raison suivante : les professions rééducatives ainsi que l’encadrement sont en poste du lundi au vendredi alors que chez les soignants, le cadre est présent en semaine, les agents sur 3 voire 4 jours consécutifs maximum, ce qui ne favorise pas le retour des questionnaires distribués. Enfin, dernière hypothèse, notre répartition n’était pas aussi exacte, l’échantillon sur lequel nous nous sommes fixé reflètent imparfaitement la réalité. Cependant, choisir un panel représentatif est délicat et malgré ces remarques, celui que nous avons retenu doit rester tout au long de notre enquête celui de référence.
Concernant la profession, 82 personnes ont indiqué leur métier. A comparaison identique par rapport à l’échantillon défini, nous nous apercevons que les infirmières ont moins répondu (24,4 % au lieu de 30 % attendus) et dans des proportions inférieures, il en est de même pour les ergothérapeutes (8,5 % par rapport aux 10 % espérés). Du côté des professions les mieux représentées, nous pouvons citer l’encadrement (11 % contre 3 %) et à un degré moindre, les rééducateurs autres que les kinésithérapeutes et ergothérapeutes (6,5 % contre 8,5 %). Le chiffre réalisé par les cadres montre leur implication sur ce sujet. Par contre, les cadres soignants éprouvent des difficultés à mobiliser les infirmières.
Profession | Effectif | Pourcentage |
Infirmier | 20 | 24,4% |
Aide-soignant | 16 | 19,5% |
Kinésithérapeute | 13 | 15,9% |
Cadre de santé | 9 | 11% |
Médecin | 9 | 11% |
Ergothérapeute | 7 | 8,5% |
Orthophoniste | 3 | 3,7% |
Neuropsychologue | 2 | 2,4% |
Psychomotricien | 1 | 1,2% |
Diététicienne | 1 | 1,2% |
Assistante socio-éducative | 1 | 1,2% |
TOTAL | 82 | 100% |
« Quelle est votre ancienneté en rééducation-réadaptation ? »
L’objectif de cette question est d’obtenir une image fidèle du terrain et de pouvoir réaliser des tableaux croisés par filière et éventuellement à partir de certaines questions. De ce fait, nous pourrons établir des corrélations ou non face à certaines réponses.
Le mode de cette statistique est la valeur « <5ans » avec 38,8 %. Nous pouvons en déduire que ces professionnels ont peu d’expérience. Cependant, nous aurions dû affiner cette question en incluant un item « <1an » permettant de confirmer notre déduction. Par ailleurs, si nous croisons les données « filière » et « ancienneté », nous pouvons observer les résultats suivants :
- dans la filière médicale, les médecins présentent une ancienneté plutôt importante.
- en rééducation, les moins expérimentés sont aussi présents que les plus expérimentés.
- concernant les soignants, la prédominance des « <5 ans » d’ancienneté est écrasante et représente les deux tiers sur l’échantillon de la population.
Ces constatations peuvent signifier qu’à l’intérieur de la filière soignante, le turn-over est important par opposition à la filière médicale et à un degré moindre pour la filière rééducation.
3.4.2. Le projet de soins du patient
Le but de cette partie est de mettre en évidence l’existence ou non d’un projet de soins et son fonctionnement au sein des établissements.
« Quelles sont les informations dont vous avez besoin pour prendre en charge le patient ? »
L’objectif de cette question était d’apporter une réponse aux questions suivantes : Les souhaits du patient sont-ils toujours pris en compte ? Ceux de son entourage le sont-ils également ? Le recueil de données est-il indispensable à la prise en charge ? Une évaluation préalable est-elle nécessaire ? Quels autres éléments sont utiles ?
Nous pouvons en déduire que les professionnels utilisent le recueil de données, qu’ils évaluent la dépendance et sont sensibles aux souhaits du patient pour une meilleure prise en charge ; l’entourage est considéré comme partenaire seulement dans un cas sur deux seulement. La loi de 2005 donnant plus de place et de reconnaissance au patient semble avoir eu un impact important bien que ne disposant pas d’élément de comparaison. Néanmoins, l’importance accordée à l’entourage dans la prise en charge doit évoluer.
« Comment sont recueillies ces informations ? »
L’objectif de cette question était de pouvoir répondre aux suivantes : Quels supports sont utilisés le plus fréquemment ? Y a-t-il formalisation de ce recueil ?
Les supports utilisés le plus fréquemment sont l’écrit ou l’informatique, les informations recueillies auprès du patient puis les renseignements oraux transmis entre collègues. Enfin, contacts occasionnels et réunions programmées sont moins cités. Nous pouvons en conclure qu’un support écrit ou informatisé est nécessaire, complété par la suite par l’oral y compris de manière informelle. Dans l’item « autres », l’élément significatif est représenté par les termes entourage et famille, cités 6 fois sur les 85 réponses.
« Qui recueille(nt) ces informations ? »
L’objectif de cette question était de savoir si l’implication collective existait dès le début de la prise en charge.
Deux professions arrivent largement en tête, les médecins et les infirmiers. L’implication apparaît collective avec une reconnaissance moindre pour les modalités inférieures à 50 %. Le couple infirmier/aide-soignant se place en 2ème et 3ème places des cités, ce qui atteste de la reconnaissance importante liée à leur proximité. Les 13 réponses « autre » correspondent en majorité aux brancardiers, à la famille, aux étudiants…
Cependant, une étude plus fine par filière doit amener d’autres enseignements : ainsi, nous croisons « Qui recueille(nt) ces informations ? » avec « Quelle est votre filière ? ».
La filière médicale semble reconnaître à une majorité de professions la même implication au niveau du recueil d’informations alors que la filière rééducative place en tête le médecin, la filière soignante, quant à elle, reconnaît l’action dominante de l’infirmier, de l’aide-soignant et du médecin. Nous notons une dissemblance entre les filières rééducation et soignante, laquelle confirme les différences de perception observées sur le terrain. En effet, la première perçoit le rôle médical comme primordial, les autres professions arrivant à égalité alors que pour la seconde, le couple médico-soignant est ressenti comme le principal acteur de la rééducation, le vécu historique de dépendance prescriptive des infirmiers par rapport aux médecins pouvant expliquer ce résultat. Ces divergences peuvent exprimer la non-reconnaissance du travail, de la place et de la compétence de l’autre.
« A quel moment sont recueillies ces informations ? »
L’objectif de cette question était de pouvoir répondre aux interrogations suivantes : Quel moment est privilégié ? Y-a-t-il une différence entre les filières quant au moment de recueil des informations?
Pour une prise en charge idéale, le moment privilégié pour recueillir les informations demeure l’admission, celle-ci pouvant être optimisée en cours d’hospitalisation et lors de réunions institutionnalisées. Ces réponses évoquent le caractère évolutif de la recherche d’informations donc de la prise en charge.
La question est complétée par une sous-question : « Si vous avez répondu lors d’une réunion, précisez ». Il s’agit de déterminer la fréquence et le type de réunions mises en place par les groupes de travail. Malgré des dénominations différentes (synthèse, réunion, staff…), les équipes réalisent des rencontres pluridisciplinaires au minimum hebdomadairement et semblent donc bien fonctionner en interdisciplinarité. Ce pourcentage peut également être inclus dans la réponse « au cours de l’hospitalisation » car nous n’avons pas demandé plus de précisions. Cette notion de réunions en cours d’hospitalisation confirme le caractère évolutif de la recherche d’informations dans le projet de soins.
Par ailleurs, le tableau suivant permet de croiser certaines données par filière et placer quelques-unes d’entre elles en évidence.
L’égalité est observable pour les 3 filières principales, l’admission est le moment privilégié. Nous remarquons que les soignants reconnaissent plus rarement les réunions comme un moment de recueil d’informations. Nous pouvons nous demander si leur participation, leur intervention et/ou leur intérêt sont moindres. En recoupant questions et réponses déjà analysées, nous pouvons entrevoir que le partage d’informations est un élément indispensable à la prise en charge. Le nombre de réponses « autre » et leur contenu ne sont pas suffisamment significatifs pour permettre d’en tirer des conclusions.
« Existe-t-il, dans votre structure, un document institutionnel concernant la prise en charge du patient ? »
L’objectif est de pouvoir répondre aux questions suivantes : Existe-t-il un projet de soins individualisé ? Si oui, quel est le support ? Quels en sont les objectifs ? Sont-ils hiérarchisés ? Si non, nous souhaitons obtenir l’avis des professionnels sur les raisons de l’absence d’un tel document.
Nous observons une très large prédominance de l’affirmatif, ce qui laisse supposer qu’un document formalise la prise en charge du patient. La question que nous nous posons concerne les 6 qui ne disposent pas d’un tel document : comment fonctionnent-ils ? Cependant, les questions précédentes peuvent avoir induit la réponse négative : quel sens ont-ils donné au terme « document » ? La perception de ce mot s’apparente-t-elle à un écrit ou un dossier informatisé ?
« Si oui, comment est formalisée cette prise en charge ? »
Ces réponses sont liées probablement à la non informatisation de tous les services. La prédominance de l’existence d’un support est la preuve évidente d’une nécessaire formalisation du projet de soins.
« Si oui, cette formalisation est nécessaire à ? »
Nous découvrons que les professionnels pensent que la formalisation du projet de soins favorise plusieurs facteurs dont, en priorité, la prise en charge du patient et la traçabilité mais également la circulation de l’information, la coordination, la possibilité d’une vision globale et enfin la communication. Le peu de réponses « autre » démontre que nous avions ciblé correctement la nécessité de la formalisation du projet de soins.
« Si non, pourquoi ? »
Sur les 6 réponses négatives relatives à la formalisation de la prise en charge du patient, un seul répondant a précisé que cela permettrait à tous les intervenants de suivre, de ne pas dire « je ne savais pas », d’établir une coordination et d’avoir une vision globale.
« Quels outils sont utilisés dans le suivi de la prise en charge du patient ? »
Il s’agit de répondre aux questions relatives à l’évolution de la prise en charge.
Ici, il est utile d’apporter une précision quant à l’importance du caractère « autre ». En effet, les termes revenant le plus souvent sont : staff-réunions (12), aucun (5), transmissions (3), consultations (3), visites médecins (2), supports (2), discussions de couloir (1). Nous en déduisons que la réunion pluridisciplinaire nommée staff, réunion de synthèse est de loin la plus utilisée en tant que suivi de la prise en charge du patient. La réponse apportée à l’outil P.I.I.I., cité par moins d’un tiers des personnes, laisse supposer qu’il n’est pas utilisé en majorité dans les établissements, voire inconnu.
Par ailleurs, afin de vérifier si les outils sont « filière-dépendants », nous utilisons le tableau ci-dessous. Nous avons ainsi croisé les réponses aux questions suivantes : « Quels outils sont utilisés dans le suivi de la prise en charge du patient ? » et « Quelle est votre filière ? »
En faisant abstraction des réponses « autre », nous repérons que le terme le plus fréquemment cité est la « réunion de synthèse » pour les trois filières principales ; le P.I.I.I. arrive en second sauf dans la filière soignante, ce qui confirme les remarques précédentes : « Nous pouvons nous demander si leur participation, leur intervention et/ou leur intérêt sont moindres ».
« Evaluez-vous la progression de l’autonomie du patient ? »
Concernant ces questions relatives à l’évaluation de l’autonomie du patient, le but est de répondre aux interrogations suivantes afin d’obtenir des éclaircissements : Une filière évalue-t-elle mieux qu’une autre ou comprend-elle davantage sa nécessité ? Peut-on qualifier l’évaluation des actions ? Quel support de traçabilité existe-t-il pour cette évaluation ? Les professionnels l’utilisent-ils et dans quel but, propre ou commun ? Peut-on mettre en évidence que l’évaluation est essentielle ?
A 94,1%, l’évaluation de l’autonomie s’effectue et semble indispensable, indéniablement les professionnels l’utilisent.
« Comment est évaluée cette progression ? »
Les deux supports représentent la quasi-totalité des réponses, certains services les utilisant conjointement d’où la nécessité de garder une trace de cette évaluation. Concernant les réponses « autre », elles correspondent à des contacts informels souvent oraux.
« A quoi sert cette évaluation de la progression ? »
Les professionnels sont unanimes en précisant que l’évaluation de la progression est un levier à l’ajustement de la prise en charge, ce qui démontre le caractère évolutif de ces deux paramètres. La coordination de la prise en charge et la participation du patient viennent compléter l’utilité de cette évaluation. Ces trois aspects présentent une connotation de mouvement inhérente à la prise en charge et l’évaluation de l’autonomie du patient. Par conséquent, il est nécessaire d’en tenir compte dans le projet de soins.
« Si non, pourquoi ? »
A cette question, seulement trois intervenants se sont exprimés ; ce complément n’étant pas très clair, le « non » pouvait se rapporter aux modalités « rarement » ou « pas du tout », soit 5 réponses au total.
« Connaissez-vous les outils d’évaluation de la dépendance du patient utilisés par les autres professions de rééducation-réadaptation ? »
L’objectif est de démontrer la connaissance ou méconnaissance des outils utilisés par les autres professionnels alors qu’ils servent à la prise en charge du même patient et d’observer la dominance sur les autres dans ce domaine.
La réponse affirmative prédomine mais demeure équivoque : nous nous attendions à un avis plus tranché soit dans un sens soit dans l’autre. La confrontation à la question suivante qui complète la précédente, permet une meilleure lecture : en effet, sur les 58 réponses positives, 54 personnes sont capables de citer un outil utilisé par une autre profession que la leur, ce qui laisse supposer la véracité des réponses affirmatives mais également une méconnaissance du travail de l’autre dans 30 % des cas.
« Existe-il un partage des résultats de ces évaluations ? »
La recherche qui sous-tend cette question et celles qui y sont rattachées doit permettre de confirmer la précédente, d’observer la présence ou non d’un langage commun ; elle permet de vérifier si les professionnels ont une vision exacte de son intérêt et s’il existe d’éventuelles différences entre les filières. Enfin, en cas de réponse négative, elle permettra de faire réfléchir et donner des pistes.
Le partage des résultats des évaluations est très largement réalisé. Le tableau ci-dessous issu du croisement des questions « Existe-il un partage des résultats de ces évaluations ? » et « Quelle est votre filière ? », montre combien l’unanimité est significative.
« Si oui, ce partage sert à ? »
Nous pouvons observer une dispersion dans les réponses par les professionnels. Si les deux-tiers reconnaissent l’amélioration de la prise en charge nécessaire, les autres critères d’utilité sont dispersés : il existe un impact sur des notions distinctes ce qui laisse supposer des sens différents ou connotations divergentes reconnus au terme de partage, d’où l’importance de s’entendre au départ sur l’objectif du partage d’informations dans le projet de soins.
« Si non, pourquoi ? »
Le peu de réponses négatives ne nécessite pas d’analyse particulière puisque la nature de ces retours est variée.
« Au sein de votre structure, comment considérez-vous la prise en charge du patient ? »
Il s’agit d’une question d’opinion permettant d’interroger les individus sur la prise en charge du patient au sein de leur structure.
Globalement, les professionnels considèrent la prise en charge du patient satisfaisante.
« Pourquoi ? »
Les réponses qui reviennent le plus souvent concernent la coopération, la communication interprofessionnelle et l’opinion favorable des patients. Concernant les points à améliorer, l’informatisation, des effectifs suffisants et des transmissions entre filières permettraient une optimisation de la prise en charge.
« Classez ces caractéristiques qui interviennent dans le travail en équipe pluridisciplinaire selon l’importance que vous leur accordez (1 étant la plus importante) »
Dans cette question, plusieurs niveaux d’analyse sont à observer :
- au rang 1, le caractère « projet commun » domine. Au rang 2, le caractère supérieur est « communication ». Au rang 3, la « coopération/collaboration » se retrouve le plus fréquemment,
- à la fréquence globale, tous les caractères sont présents à plus de 90 % bien que le « projet commun » et la « communication » s’imposent en réunissant les items cités.
Dans l’analyse que nous pouvons en faire, les professionnels reconnaissent à la notion de projet commun une place prépondérante mais la communication occupe la première dans la colonne « nombre de fois citées ».
3.4.3. Le travail en équipe
En posant ces questions, nous souhaitons connaître les attributs dominants dans le travail en équipe pluridisciplinaire afin d’établir un lien avec ceux espérés.
« Connaissez-vous le champ de compétences des autres professionnels de l’équipe pluridisciplinaire ? »
L’objet de cette question est de savoir si la connaissance mutuelle est effective.
Très largement, tous répondent qu’ils ont une connaissance globale du champ de compétences de leurs collègues exerçant en rééducation-réadaptation. Les professionnels semblent avoir l’habitude de travailler ensemble.
« Considérez-vous que votre champ de compétences dans le travail en équipe pluridisciplinaire est reconnu ? »
Afin de croiser cette question d’opinion avec la précédente, un avis est demandé sur le sentiment de reconnaissance.
La prédominance est moins perceptible. Les professionnels se sentent une fois sur cinq toujours reconnus dans leurs compétences et une fois sur deux souvent reconnus dans les mêmes qualités. Pour affiner l’analyse, un croisement avec les filières est alors nécessaire.
Ce ressentiment de reconnaissance limitée est plus important pour la filière soignante (30%).
« Pourquoi ? »
A cette question, la réponse la plus fréquemment retrouvée est la notion de non reconnaissance et le manque de coordination entre certaines professions (infirmières, ergothérapeute, aide-soignante). Les réponses obtenues sont redondantes par rapport à celles obtenues à la question précédente, ce qui démontre son inutilité.
« Dans votre structure, quels outils utilisez-vous pour communiquer avec les professionnels des autres disciplines ? »
La communication, nous l’avons vu, est un des moteurs du travail en équipe pluridisciplinaire. Nous désirons approfondir ce domaine : quels outils les professionnels utilisent-ils au quotidien ? Qu’en est-il précisément quant à leur emploi effectif ? Certains prédominent-ils sur d’autres ?
Nous observons que la réunion d’équipe est la réponse la plus fréquente. L’item « transmissions orales partagées » vient confirmer cet aspect de partage au-delà des outils, alors que l’écrit qu’il soit papier ou informatisé, n’est cité que dans moins de 50% des cas. Ceci laisse supposer que l’oral a une place reconnue au détriment de l’écrit et que l’outil informatique est sous utilisé probablement en raison de la non informatisation systématique du dossier patient, ce qui confirme les remarques déjà relevées précédemment. Une autre donnée peut influencer les réponses : il est possible que l’écrit représente un poids dans l’exercice professionnel même s’il reste un élément nécessaire à la traçabilité. Un travers de cette question a pu résider dans le sens donné à la communication : celle au sein de l’équipe ou celle avec le patient.
Le croisement de cette question avec celle des filières apporte quelques précisions.
Pour les 3 filières majoritaires, la réunion d’équipe est primordiale bien qu’apparaissent des différences entre elles : la pensée médicale privilégie le dossier patient informatisé, les transmissions orales partagées dominent en rééducation et les soignants mettent en avant la traçabilité écrite et les transmissions orales. Cependant, il nous faut relativiser ces données tant les chiffres sont proches.
Par ailleurs, il était demandé aux professionnels, lorsqu’ils avaient répondu « réunion d’équipe », de préciser de quel type de réunion il s’agissait. A cette question, les termes les plus fréquemment employés sont : staff, synthèse, tours pluridisciplinaires. Ceci renforce la notion d’oralité très présente même si nous pouvons penser que l’écrit constitue un appui non négligeable.
« Existe-il des moments ou des temps dédiés pour échanger avec les différents membres de l’équipe pluridisciplinaire ? »
L’objet de cette question était double : savoir s’il existait un temps dédié à la communication entre professions et connaître les types d’échanges utilisés.
Les interviewés répondent massivement « oui » à 80 % mais afin d’affiner leur réponse, nous avions complété la question par une demande de précision.
« Si oui, lesquels ? »
Nous observons que la réunion pluridisciplinaire, quel que soit le nom qu’elle porte, est la base de l’échange au sein de l’équipe. Les transmissions communes existent dans un tiers des cas, ce qui témoigne de leur importance. Les réunions P3I ne concernent que certains patients en rééducation et, dans ces cas-là, sont considérées comme moments d’échanges entre professionnels. Nous avions également demandé de préciser dans la case « autre ». Il s’avère que les termes régulièrement employés sont : staff, synthèse, réunion ou contacts informels dont les pauses. L’informel peut interpeler, il semble occuper une place importante dans cette branche de la médecine.
« Dans votre établissement, la circulation de l’information vous semble ? »
Il nous paraissait intéressant, par une question d’opinion, de permettre aux interviewés de s’exprimer sur leur ressenti face à cette donnée.
Une bonne moitié des professionnels juge que la circulation de l’information est efficace mais plus d’un tiers la considère inopérante.
Lorsque l’on demande de préciser « pourquoi ? », nous obtenons 60 réponses dont les aspects positifs et négatifs sont répartis dans le tableau ci-dessous. Ce nombre de retours témoigne bien de l’intérêt réel que les professionnels attachent à la circulation de l’information.
Points positifs | Points négatifs |
Système informatique
Patient au centre Identité professionnelle définie Prise en charge réévaluée Transmissions |
Manque de temps
Trop d’informations Cloisonnement Structurel Oral souvent et rarement d’écrit Manque de réunions, de synthèses Nécessité de rappels multiples Manque d’échanges, de temps communs |
Concernant les points négatifs, les personnes évoquent des difficultés liées à des manques et à l’organisation. Les points positifs révèlent la place du patient, les outils et l’identité professionnelle.
« Comment jugez-vous la communication avec les autres professionnels des autres disciplines au sein de votre structure ? » Pourquoi ? Argumentez.
Nous souhaitons, à travers cette question d’opinion, tester les réponses aux interrogations relatives à la communication, faire parler les professionnels et enfin observer si des différences entre filières apparaissent.
Les scores sont presque identiques à ceux obtenus à la question précédente, relative à la circulation de l’information. Les réponses sont claires, les personnels sont satisfaits (58,8 %) ou insatisfaits (31,8 %), ce qui paraît paradoxal et révèle, selon les structures, des mécontentements délimités. Ils peuvent s’expliquer par des difficultés locales.
La comparaison par filière, établie dans le tableau suivant, apporte une information importante.
En effet, dans la filière infirmière, le mécontentement est perceptible puisque les avis sont partagés entre « satisfait » et « insatisfait » alors que les deux autres sont plutôt satisfaites. La place de la filière infirmière en rééducation nécessite-t-elle une analyse plus fine ? Nous rejoignons la question de la reconnaissance.
Lorsqu’on leur demande d’argumenter, 60 personnes répondent, ce qui prouve leur besoin d’expliquer leur choix ainsi que leur intérêt pour cette question relative à la communication. Elles mettent en avant de façon négative, des lieux différents, du temps difficile à trouver, des problèmes de personnes, des priorités distinctes et de manière positive, l’accès à l’information, les échanges informels et oraux, l’outil informatique, la notion d’équipe et les réunions.
« Au sein de votre structure, comment qualifieriez-vous le travail en équipe pluridisciplinaire ? » Pourquoi ?
Cette question d’opinion permet de connaître le ressenti de chacun et de l’observer par filière.
Les réponses confirment celles apportées aux deux questions précédentes : deux tiers des personnes sont globalement satisfaites, le tiers restant attend davantage du travail en équipe pluridisciplinaire.
Pour compléter leur réponse, les professionnels étaient conviés à préciser leur choix, 50 d’entre eux ont complété à l’aide des éléments suivants :
Points positifs | Points négatifs |
Personne dépendante
Projet commun individualisé Complémentarité Bonne communication Volonté institutionnelle Connaissance des autres Temps de rencontres |
Personne dépendante
Manque de lien Absence de réunions Manque de temps Manque de volonté Manque de communication Méconnaissance de l’autre |
Nous observons de nombreux manques : temps, volonté, lien, communication et réunions, d’où la nécessité d’y apporter des réponses. Pour les aspects positifs, ils relèvent du rapport à l’autre, qu’il soit patient ou collègue.
« Quelles suggestions pourriez-vous faire pour faciliter le travail en équipe pluridisciplinaire ? »
Cette dernière question permet aux répondants de s’exprimer librement et d’entrevoir quelques pistes de travail pour étayer l’hypothèse et préconiser des solutions. Nous livrons ici une synthèse des 50 réponses reçues, classées en items :
- au niveau institutionnel : sectoriser l’établissement grâce à des référents fixes, alléger la charge de travail pour plus de disponibilité et une écoute de meilleure qualité, augmenter les moyens, éviter le turn-over, disposer de temps et affecter davantage de personnel soignant, développer une unité de lieu, informatiser ;
- au niveau hiérarchique : ne pas négliger les aspects hiérarchiques ; pour le cadre, posséder un pouvoir décisionnel important mais également un rôle de vigilance, de médiation et des responsabilités plus importantes au sein de ce fonctionnement en équipe, superviser, faire respecter les compétences de chacun, développer la collaboration des différents intervenants, structurer l’ensemble ;
- au niveau collectif : insister sur les transmissions écrites et orales, impliquer tous les membres de l’équipe y compris aides-soignantes et infirmières, prévoir davantage de réunions de synthèse, afin d’avoir une réelle prise en charge globale et cohérente, organiser des réunions hebdomadaires, interservices, confronter les pratiques, maintenir et améliorer le travail en collaboration, développer la cohésion, connaître le champ de compétences des professionnels, mettre en place un outil commun, favoriser les rencontres informelles et régulariser les réunions interdisciplinaires en imposant la représentation de chaque discipline, développer l’identité professionnelle et les relations, partager, créer des ponts, des objectifs communs, moins dire ce que l’on peut faire et plus faire ce que l’on dit, structurer l’équipe pour que chacun puisse exercer avec ses compétences, utiliser l’outil interdisciplinaire (P3I), créer des moments d’échange, apprendre à travailler ensemble, établir des liens entre les actions des professionnels, consolider « la chaîne de l’équipe », communiquer ;
- au niveau individuel: renforcer la responsabilité individuelle vers celle du collectif, développer le rôle de médiateur dans une équipe, consolider sa conscience professionnelle, défendre la proximité avec le patient, améliorer les informations sur le malade en amont du séjour et en aval, s’ouvrir aux autres et développer les efforts de tous.
En résumé, les professionnels proposent d’agir sur l’espace, le temps, les moyens humains, matériels et financiers. Les interviewés reconnaissent le cadre comme acteur responsable, organisateur et manager de proximité. Les personnels pensent qu’il est nécessaire d’agir sur les supports, les moments d’échanges, la connaissance de l’autre, le travail en équipe, la communication. L’interdisciplinarité réclame un engagement et une responsabilité individuelle.
3.5. La synthèse
Les principaux éléments du projet de soins mis en évidence lors de la phase conceptuelle apparaissent dans l’analyse qui a suivi. Volontairement, nous n’avions pas voulu employer le terme de projet de soins dans l’enquête pour ne pas induire de réponses et les interviewés ne l’ont pas évoqué non plus. Deux explications peuvent être envisagées : nous avons induit sa non-évocation en ne l’exprimant pas nous-même, tellement prégnant que personne ne le nomme ainsi, ou enfin il n’est pas utilisé. La lecture des réponses montre que cette dernière affirmation s’annule d’elle-même tant les éléments du projet de soins sont présents dans les retours. L’idée que les professionnels ne le dénomment pas ainsi, peut s’entendre selon les deux acceptions d’un projet de soins. La première appellation qui a pris l’ascendant sur l’autre version, est l’emploi du terme de manière institutionnelle. En effet, le projet de soins du service ou du pôle ou d’établissement, occupe maintenant une place importante. Nous nous occuperons donc de son sens individuel attaché à la personne soignée.
Nous avions évoqué la place prépondérante de ce projet de soins individualisé pour répondre à une nécessité d’accorder au malade toute sa place. L’analyse le confirme. La gestion des souhaits et attentes du patient est prise en compte et de manière précoce puisque les professionnels recueillent l’information à l’entrée et la ventilent, permettant par la suite à la prise en charge d’évoluer. Afin qu’elle soit recueillie et circule, l’écrit est la première des sources. Ce dernier, qu’il soit dossier papier ou informatisé, donne une formalisation à ce projet de soins.
De l’oral à l’écrit, la formalisation d’un projet de soins individualisé apparaît comme nécessaire dans ce secteur. Par ailleurs, dans le monde de la rééducation, on remarque que les réunions pluridisciplinaires ou synthèses sont un élément incontournable pour la communication entre les intervenants et notamment le P3I auquel le patient participe. Mais il ne doit pas rester statique, les évaluations régulières permettent d’ajuster la prise en charge, de coordonner et d’actualiser la participation du patient. Par ce dernier aspect, les professionnels le considèrent bien comme un être actient pour reprendre les termes développés précédemment.
Dans la coordination entre partenaires, la connaissance des outils d’évaluation que chaque filière utilise est importante et assure un partage des données afin d’obtenir une prise en charge efficiente, d’avoir une vision globale de l’état de santé du patient.
Le projet de soins individualisé permet de réaliser un véritable contrat entre intervenants devenant co-acteurs, incluant le patient. Les agents travaillent en interdisciplinarité et voient derrière cette conception, des intérêts pour le projet commun, la communication, la complémentarité, la coopération malgré quelques marques de dysfonctionnements dans ces domaines. En majorité, ils connaissent le champ de compétences de leurs collègues, certaines professions se sentant moins ou peu reconnues. Un cloisonnement subsiste parfois entre quelques disciplines. Le travail en équipe nécessite la mise en place d’outils et de plages horaires dédiés à la mise en commun. A l’heure où la « réunionnite » envahit les plannings, les professionnels de la rééducation réclament et assument leur volonté de se réunir donc de partager, nous dirions presque de « communier » autour du patient et avec lui. Cela leur permet de faire circuler l’information, de lutter contre le cloisonnement ressenti par certaines filières. Cependant, pour être efficaces, ces réunions doivent rassembler toutes les professions, être organisées de manière à ce que chacun puisse y trouver l’information nécessaire ainsi qu’un temps de parole.
Les professionnels ont conscience que leur souhait d’œuvrer ensemble constitue un levier pour une meilleure prise en charge du patient. Ils visent les mêmes objectifs : la circulation de l’information, l’écrit d’un projet de soins, l’utilisation d’outils pour le suivi des soins et l’évaluation de l’évolution du patient. Sans le nommer, ils contribuent ensemble à un travail d’équipe pluridisciplinaire. L’interdisciplinarité ne vit qu’à travers la prise en compte du travail de chacun, de leurs fonctionnements toujours dans un même but, le recouvrement de l’autonomie du patient. Il s’agit d’accepter dans sa propre représentation, le point de vue de l’autre, comme le précise le professeur Gérard FOUREZ[52]. Par ailleurs, il affirme qu’ « il ne peut y avoir de qualité du jugement clinique que s’il y a coordination des raisonnements cliniques entre eux ».
Cette synthèse confirme donc notre hypothèse que l’élaboration d’un projet de soins commun centré sur le patient favorise le travail en équipe pluridisciplinaire en rééducation et réadaptation fonctionnelle.
A l’issue de cette synthèse, les propositions des répondants laissent percevoir des pistes que nous évoquerons dans les préconisations.
« Notre monde est fait de catégories, il est bordé de frontières arbitraires et artificielles. Il faut construire des ponts et pour cela il faut une connaissance,
une vision plus grande de l’Homme et de sa destinée. »
Yehudi Menuhin.
Pour favoriser le travail en équipe pluridisciplinaire de rééducation-réadaptation, nous avons vu qu’un projet de soins partagé et individualisé s’avère indispensable. La première partie de notre réflexion sera consacrée à la recontextualisation par l’approche systémique, le changement et la notion de projet, nécessaires pour proposer quelques axes d’améliorations et suggestions. Enfin, nous dévoilerons quelle stratégie peut conduire le cadre de santé dans ce nouveau contexte grâce à des propositions, dans le but de favoriser l’interdisciplinarité et le projet de soins commun individualisé.
4.1. L’approche systémique
4.1.1. Un système
Suite à la réalisation et l’analyse de l’étude, il nous paraît nécessaire d’élargir de nouveau au contexte de manière à comprendre comment tous les acteurs vont agir en tenant compte de tous les paramètres mis en évidence. Il s’agit de prendre conscience qu’ils exercent dans un système complexe, l’organisation, qui peut représenter le service, l’équipe, l’institution. Selon Philippe BERNOUX, « un système est un ensemble d’éléments interdépendants, c’est-à-dire liés entre eux par des relations telles que si l’une est modifiée, les autres le sont aussi et que par conséquent tout l’ensemble est transformé[53] ». L’organisation évoque une construction sociale, la résultante des actions des individus. L’équipe pluridisciplinaire représente donc un système complexe où chaque partenaire se trouve en interdépendance avec ses collègues car le travail de l’un agit sur celui de l’autre. Cette notion nous paraît indispensable pour recontextualiser les propositions que nous évoquerons ultérieurement. Lorsqu’il s’agira d’envisager des améliorations aux constats que nous avons dressés, le cadre de santé devra tenir compte des changements qui vont s’opérer. Il ne peut faire fi de la réalisation d’un diagnostic stratégique de la situation de travail qui est la sienne. Une première étape pourrait consister en la réalisation d’un sociogramme qui « est une représentation du ‘‘système d’action concret’’ et contient les échanges autour des enjeux des acteurs, les tensions entre eux et les accords et compromis qu’ils ont dû passer…[54] ». Ce diagnostic sociologique du système qui l’entoure, permet au manager de mettre en évidence des variables externes et internes lui permettant de mener des orientations stratégiques ultérieures à moyen et court terme. Le cadre de santé se dresse en veilleur permanent, ce qui lui permet d’anticiper les changements à intervenir. Ce système d’action concret est défini par Michel CROZIER et Erhard FRIEDBERG, comme un ensemble d’individus coordonnant ses actions propres par des mécanismes stables et assurant cette stabilité grâce à d’autres mécanismes.
4.1.2. Des acteurs
Le cadre de santé analysera les connexions et divergences entre partenaires de soins ainsi que les artifices qu’ils ont trouvés pour définir une organisation collective. Nous l’avons observé dans notre travail, les échanges entre partenaires de santé sont complexes et laissent s’échapper des concurrences voire des oppositions. Le cadre doit posséder cette faculté d’étude et d’analyse de l’organisation en présence. La connaissance qu’il a de son environnement et des ressources qui la composent lui permet de découvrir les leviers d’actions sur lesquels il va pouvoir agir. De la donnée formelle à celle historique, chaque information et/ou chaque paramètre mesuré l’autoriseront à les utiliser pour améliorer son management et son positionnement. Une fois la compréhension des systèmes de travail acquise et le jeu des acteurs repéré, il pourra envisager le changement inhérent à tout perfectionnement dans les pratiques. Dans notre étude, il s’agit bien de cela : proposer des axes de meilleure prise en charge par un travail en équipe pluridisciplinaire, dans un contexte de changement.
Par ailleurs, le cadre ne peut sous-estimer la place de l’environnement historico-structurel. En effet, chaque équipe, service, institution, a son histoire. Il est essentiel de tenir compte du passé de chacun d’eux pour accompagner ce changement et comprendre les situations. L’environnement dans lequel se situent la création d’un projet de soins et le travail en équipe pluridisciplinaire, aura un impact certain sur les résultats du travail managérial accompli par l’encadrement. Il lui faut prendre toute la mesure de ce contexte.
Ainsi, l’encadrement tient compte de tout un environnement, une histoire et une structure, dans le but d’envisager le changement. Notre étude n’échappe pas à cette règle puisqu’après les constats, la connaissance du contexte et des concepts, notre hypothèse, confirmée par l’étude statistique, aboutit à des préconisations d’amélioration de la situation. Il nous faut maintenant enrichir ces axes de progrès en les insérant dans un contexte de mutation.
4.2. Le changement
4.2.1. Quelques notions
Sir Winston CHURCHILL disait à ce sujet : « Il n’y a rien de négatif dans le changement, si c’est dans la bonne direction ». Dans ce propos, ce célébrissime personnage semble évoquer que ce changement n’a rien de mauvais pourvu que le pilote sache le diriger. Il est donc un autre élément à prendre en compte pour le cadre de santé. Il doit l’accompagner car, nous le verrons plus tard, la volonté de développer un projet de soins individualisé construit ensemble, et de cultiver la culture interdisciplinaire nécessite inévitablement des transformations. Il s’agit de modifier les habitudes :
Réorganiser le travail, c’est changer notre manière de travailler et souvent désorganiser ce qui existait. Ce remaniement peut augmenter l’insécurité de chacun. Tout changement fait naître des peurs : peur de ce qui va se faire, peur de ne pas trouver sa place dans le nouveau fonctionnement. Cette réorganisation peut aussi questionner chacun des membres de l’équipe sur sa façon de faire avant le changement : s’il faut travailler autrement, cela signifie-t-il que l’on travaillait mal avant ? Ces peurs et ces interrogations peuvent être un frein au changement si elles ne sont pas explicitées et explorées ensemble[55].
Là, réside tout le rôle de l’encadrement, à savoir préparer les professionnels à passer d’un état dans lequel ils peuvent se sentir en sécurité à un autre, fait d’incertitudes. Cet inconnu crée une situation d’inconfort et un double questionnement : l’un par le jugement sur ce qui était fait avant, l’autre par la peur du lendemain incertain.
John KOTTER, considéré comme une autorité sur le leadership et le changement, identifie huit étapes pour ce dernier, permettant une approche méthodique dans sa conduite[56]. Nous nous appuierons sur cette conception afin de démontrer que le changement est le second axe contextuel autour duquel s’articule la stratégie managériale des propositions d’amélioration qui suivront.
La première d’entre-elles consiste en « la création d’un sentiment d’urgence ». Les acteurs doivent considérer que la situation qu’ils vivent ne peut plus durer et qu’une modification s’avère essentielle. Sans vouloir aller jusqu’à provoquer ce sentiment, le cadre de santé démontre que le statu quo ne peut demeurer. Nous l’avons vu précédemment, son analyse de la situation et du jeu des acteurs lui permet de rendre le changement inévitable. Le temps devient alors un allié, dans le sens de l’urgence, chacun devant comprendre qu’il est primordial d’agir maintenant.
Dans la seconde étape, le cadre doit réussir à « former une coalition » c’est-à-dire rassembler l’équipe autour d’un noyau dur (les positifs) susceptible d’entraîner les indécis. Selon la règle des 20-60-20 (20% de motivés pris parmi les militants ou les triangles d’or[57], 60% pris parmi les hésitants ou les passifs et 20% parmi les révoltés ou opposés), le groupe des positifs est primordial afin de renforcer le travail du manager qui vise à créer une équipe soudée.
La troisième étape admet de « développer une vision », une stratégie capable de mobiliser les énergies, de susciter l’engagement et les efforts de chacun. La perception commune favorise l’entrée des professionnels dans ce processus d’amélioration.
Au quatrième stade, il s’agit de « communiquer la vision » dans le but de l’élargir à toute l’organisation, vers le partage. Le rôle du cadre se renforce car il développe ses aptitudes relationnelles afin d’attirer les professionnels vers cette idée commune.
Puis, les difficultés se feront plus pressantes, aussi, devra-t-il « lever les obstacles au changement ». Ceux-ci sont d’ordre structurel, managérial ou humain : il s’agit de freins liés aux procédures, comportements, habitudes, peurs… Anticiper ces résistances donne du poids, de la crédibilité et de la légitimité à ces opérations de changement. La connaissance de ces ralentissements permet de donner une image positive, de tenir compte des difficultés des agents et donc de montrer l’intérêt que leur porte le cadre, par conséquent de limiter les obstacles.
L’étape numéro six consiste en la possibilité de « donner des résultats à court terme ». En effet, le cadre doit veiller à échelonner les résultats visibles afin de conserver une certaine mobilisation des troupes et de lever certains blocages. Il s’agira ensuite d’adapter la stratégie en fonction du chemin restant à parcourir et des nouvelles voies apparues : cette perception du caractère évolutif du changement est essentielle. Il s’agit d’informer les intéressés de l’avancement du projet par des réalisations concrètes.
L’avant dernière étape admet l’apparition de certaines évolutions dans le projet, issues notamment des premiers résultats mentionnés ci-dessus. Le cadre doit pouvoir « bâtir sur les premiers résultats pour accélérer le changement ». La dynamique risque de s’éteindre si la survenue d’imprévus n’a pas été anticipée : il est alors nécessaire de profiter de cet état de faits pour définir ou redéfinir par exemple, les procédures, la politique de ressources humaines, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou bien d’associer certains aspects à la gestion des risques et de la qualité.
Pour terminer, la huitième étape permet d’ « ancrer les nouvelles politiques dans la culture de l’entreprise » (pour nous, du service, pôle ou institution). Considérant que la vision développée fait désormais partie des outils à disposition de tous, elle s’apparente à la norme utilisable. Il s’agit alors de communiquer autour des résultats acquis, des efforts consentis par chacun, des valeurs dégagées. Le résultat de ce changement s’inscrit ainsi dans un continuum évolutif et le cadre de santé veillera à conserver ce caractère mouvant, dans un cadre règlementaire et comportemental normé.
4.2.2. La conduite de projet
Après l’analyse stratégique effectuée, la notion de changement décryptée, tout au moins en partie, le cadre de santé peut envisager ce dernier par la mise en place d’un projet de modifications vis-à-vis des dysfonctionnements observés. Pour Philippe ZARIFIAN, l’organisation en projet réunit « une équipe multimétiers autour d’un projet d’innovation avec des objectifs précis et une durée de vie bien spécifiée […] Les gens travaillent ensemble sur un projet précis et pour une durée limitée[58] ». Nous pouvons alors l’appliquer dans notre recherche au projet de soins ou au travail en équipe. La conduite de projet a pour but de vouloir résoudre une problématique d’organisation ou réorganisation et d’accompagner la stratégie de modifications envisagées tout en tenant compte des hommes. Il s’agit alors pour le cadre de mesurer l’importance des objectifs, des échéances et des hommes dans l’acceptation du changement par le plus grand nombre possible d’agents.
En nous replongeant dans notre sujet d’étude, lorsque nous envisageons la conduite de projet, nous l’entendons au sens de changements à intervenir. Nous avons observé un phénomène en rééducation-réadaptation, effectué des recherches, analysé les éléments recueillis, nous rendant compte qu’il y avait lieu de changer certains aspects afin d’améliorer à la fois la prise en charge du patient et celle, dirions-nous, des agents et donc de l’équipe. Le cadre de santé doit pouvoir conduire ce projet ambitieux mais responsable.
4.3. Un positionnement stratégique
Au milieu du système, le cadre de santé est un acteur stratégique, car au centre de tout : de l’équipe soignante, médicale et de rééducation, de l’institution, des enjeux. Il est, comme le nomment Michel CROZIER et Erhard FRIEDBERG, en position de « marginal sécant[59] » c’est-à-dire acteur partie prenante de plusieurs systèmes. Il possède ainsi une marge de manœuvre et d’expérimentation plus grande à l’égard des jeux et enjeux existants. Cette place lui octroie des avantages certains comme celui lié au pouvoir, à la détention de l’information à distiller. Cela lui confère la capacité de se rendre indispensable tout en le fragilisant s’il ne sait pas se positionner face aux systèmes et leurs acteurs. Le cadre de santé doit savoir délimiter une zone d’autorité claire par la définition de ses missions, développer une identité professionnelle forte et enfin comprendre l’organisation et les jeux des acteurs.
Comme les professionnels de santé, le cadre est animé d’un but stratégique donc calculateur : il agit en fonction de ses objectifs qui consistent toujours en un compromis entre ses propres buts et ceux de l’organisation. Mais il existe, comme le stipulent les deux auteurs, des « zones d’incertitude » où les acteurs s’emparent de l’autonomie permise par celles-ci et c’est là que leur pouvoir peut s’exprimer. Pour le cadre de santé, il y a une nécessaire intention d’utiliser ce pouvoir donné aux agents pour assouplir cet inconfort né de la phase préalable de décristallisation vers celle de « transition » du changement comme le décrit Kurt LEWIN[60]. Le cadre de santé doit fournir les informations nécessaires aux agents sur les enjeux, les risques, les gains et les difficultés à surmonter. Lors de la troisième et dernière étape, la « recristallisation », les comportements appropriés à la nouvelle situation sont maintenant acquis et deviennent des habitudes. Son bon déroulement conditionne la réussite du changement. Ces actions lui permettront de passer la phase de déni, inhérente à toute situation de changement. Les agents refusent de voir et de prendre en compte la nécessité de changer, comme un mécanisme de défense face à la nouveauté. Elisabeth KUBLER-ROSS décrit en complément à cette phase de déni, trois autres étapes dans le cycle du changement : la résistance, l’exploration et la mobilisation[61]. Nous retrouvons quelques similitudes avec la vision de John KOTTER et ses huit étapes ; en fonction de cette connaissance, le cadre doit sensibiliser son équipe à la nécessité du changement pour franchir l’étape du déni, rechercher la participation active des collaborateurs face à la résistance et faire appel à la créativité des agents pour atteindre la dernière étape : pour cela il pourra utiliser les échanges afin de faciliter le passage des différentes phases. Le cadre enrichit sa légitimité grâce à sa connaissance des hommes, des situations et de l’institution. Il se positionne en expert, pilote et animateur. Il démontre ses capacités à valoriser les salariés dont il a la responsabilité, à bonifier le travail collectif par la juxtaposition et même l’interdépendance des compétences de chacun. Son analyse stratégique lui permet d’envisager le changement par des préconisations adaptées.
4.4. Des préconisations
Afin de clarifier notre propos et considérant que la rééducation-réadaptation représente une discipline médicale avec ses particularités, nous entendons par cadre de santé celui d’une unité de soins. Il peut développer des actions sur la structure (les ressources), le processus (les organisations ou les pratiques) et les acteurs (patient, entourage, paramédicaux et médicaux).
4.4.1. Agir sur la structure
Dans le système complexe que représentent une institution, un service, une unité, de nombreuses interactions existent et chacun doit cohabiter avec des professionnels différents. En santé, le soin est souvent représenté comme le noyau central avec des éléments périphériques gravitant autour de lui. Il nous semble important de garder cette notion à l’esprit. En rééducation, il est nécessaire de créer des passerelles entre ces éléments.
Le dossier commun partagé apparaît comme le premier pont. Nous avons vu que tous les établissements possèdent toujours le support papier, néanmoins, l’informatisation présente l’avantage de regrouper toutes les informations (médicales, sociales, paramédicales, psychologiques) indispensables au projet de soins et au suivi du patient. Un bref rappel historique permet de comprendre le passage du support écrit au support informatique pour le dossier patient. Le dossier papier a, depuis longtemps, fait la preuve du cloisonnement des informations. Dans un contexte règlementaire, le Dossier Patient Informatisé (D.P.I.) est obligatoire depuis le décret du 30 mars 1992[62] et la loi du 4 mars 2002[63], stipulant le regroupement des informations administratives, médicales et paramédicales. Les risques d’erreurs sont majorés dans le dossier papier. Parallèlement, le patient est protégé dans l’utilisation de ces données par la loi du 6 janvier 1978[64], plus connue sous le nom de « loi informatique et libertés ». Ce support facilite très largement le partage des informations ainsi que leur exhaustivité et leur fiabilité. Chaque spécialiste doit pouvoir accéder au dossier du malade et aux informations communiquées par les autres professionnels. La mise en réseau des données se présente comme leur réunification et mutualisation. Le développement du D.P.I. favorise un gain de temps, un classement ordonné des informations, une meilleure communication, un accès direct et un archivage facilité. Par contre, les différents niveaux dans la maîtrise de l’informatique peuvent représenter une difficulté à l’utilisation professionnelle. Ce bouleversement doit pouvoir être guidé par un accompagnement grâce à la formation. Un autre élément apparaît essentiel : l’utilisation d’un langage commun permettant une communication sans incompréhension. Enfin, l’adhésion de l’équipe à ce nouveau système de traçabilité doit être recherchée. Nous voyons se dresser quelques risques de résistances au changement : en utilisant les différentes étapes ou cycles du changement et celles de la gestion de projet, le cadre peut lever ces obstacles, en fédérant autour de l’informatisation, en prévoyant les conditions favorables et en restant sur l’objectif essentiel, le projet de soins individualisé élaboré en commun.
Dans le cas du support papier, il favorise la rencontre physique des intervenants mais le dossier doit être conservé au niveau où se réunissent le plus souvent les professionnels. Le regroupement en un même endroit permet aux disciplines de se rencontrer sur un même site. Mais la pratique est tout autre et il revient au(x) cadre(s) de tenir compte de cette réalité pour garantir la cohérence entre l’utilisation des supports et la prise en charge.
Qu’il soit sous format papier ou informatisé, le dossier de soins doit permettre, par une organisation optimale, la recherche d’informations exhaustives. Le cadre de santé présente dans ses activités une mission de contrôle lui permettant d’assurer la circulation efficace des données.
Par ailleurs, la place prise par les Technologies de l’Information et de la Communication (T.I.C.) oblige chacun, institution, professionnels et encadrement à rester au contact de cette science en devenir dans le monde sanitaire. Outre les logiciels dossier patient, de nouvelles initiatives ou programmes devraient prochainement voir le jour. Nous ne sommes qu’à l’aube de l’utilisation de ces T.I.C. : les outils et machines vont envahir les services et les pratiques. Les professionnels les plus avisés seront les plus aptes à réagir à cette influence, les cadres doivent alors rester en éveil.
Un deuxième levier à l’interdisciplinarité consisterait à poursuivre le développement des rencontres entre les intervenants de l’équipe pour développer un réel esprit d’entraide et d’interdisciplinarité. Il s’agit de temps formels (réunions, transmissions quotidiennes, staffs, etc.) ou informels (rencontres de couloirs, pauses, repas, sorties, etc.). Nous avons vu dans le chapitre consacré aux cadres contextuel, conceptuel et dans l’enquête que les réunions détenaient une place primordiale mais elles doivent être structurées et organisées dans un but précis pour que chacun y trouve un intérêt et puisse s’y investir pleinement. Mais, revenons à l’informel. Alors qu’il ne nous paraissait pas d’une utilité indéniable, l’enquête a permis de modifier nos représentations. Ces rencontres improvisées sont un élément essentiel à la circulation de l’information. Même si la culture professionnelle du soin impose la traçabilité, cet aspect de la communication est nécessaire. Il revient aux responsables d’encadrer simplement cette pratique en lui reconnaissant ce caractère positif, tout en insistant sur la traçabilité des propos échangés dans le but ne pas perdre l’information. A la lisière du formel et de l’informel, la création d’un moment convivial, destiné à construire le travail en équipe, la collaboration et la connaissance de l’autre, pourrait être l’instauration régulière d’un moment type « café interdisciplinaire », à périodicité mensuelle, par exemple. Les professionnels choisiraient le thème à aborder, l’encadrement organiserait l’animation de ce moment d’échanges.
Si nous insistons sur cette nécessaire mission de consigner par écrit les actes des soignants, le cadre peut suggérer la généralisation d’outils comme le P.I.I.I. Il s’agit d’un contrat de soins entre le patient, l’entourage et les professionnels, lequel permet l’utilisation d’un écrit commun, sorte de référence de départ réévaluée régulièrement selon l’évolution de l’autonomie du patient. Cette convention pourrait être définie à l’entrée et servir de guide. La précocité de sa mise en place a été rappelée par l’enquête, aussi, s’avère-t-elle indispensable. Ce contrat doit devenir une véritable feuille de route que patient, entourage, paramédicaux et médicaux utiliseraient comme référence. L’accessibilité, la clarté et la synthétisation devraient également en constituer les fondements. Sans vouloir étendre le P.I.I.I à tout type de pathologie en rééducation-réadaptation, il paraît possible de proposer, sur le même modèle, un contrat entre les différents partenaires. Il garderait son caractère évolutif, ré-évaluable, permettant une modification de la prise en charge.
Afin que tous ces éléments concourent à une meilleure prise en charge, l’engagement institutionnel et médical doit être très fort et appuyer le travail quotidien de chacun des maillons qui constituent la chaîne de la prise en charge. La direction impulse la dynamique et soutient les acteurs.
4.4.2. Agir sur le processus
Après les enjeux et actions sur la structure, il nous faut désormais envisager quelles améliorations nous pouvons apporter sur les pratiques. Le but ultime sera de renforcer l’interdisciplinarité par la mise en place d’un projet de soins individualisé dressé en commun.
Nous l’avons vu, cette organisation est basée sur l’union entre professionnels. Nous pensons nécessaire de rappeler quelques éléments essentiels au travail en équipe. L’utilisation d’un langage commun permet le partage d’informations comprises de tous. Pour qu’il soit universel, il est indispensable que les professionnels, même s’ils utilisent des outils différents de mesure de l’autonomie, puissent comprendre leurs partenaires. Ce qui est important, ce n’est pas tellement la mesure mais la signification qui en résulte, ce que le patient est capable de faire. Aussi, faut-il développer chez les soignants et rééducateurs, un langage perceptible par ceux qui reçoivent les transmissions. L’encadrement doit œuvrer dans ce sens.
Parallèlement, cette information doit être accessible à tous. Nous l’avons vu, informatisé ou non, le dossier de soins doit faire l’objet de toutes les attentions. Ecrire c’est entrer en contact avec l’autre, ce n’est pas seulement laisser une trace de ses actes. La coopération est déjà présente dans ce que chacun transmet à l’autre. Le projet de soins individualisé construit en commun symbolise une façon de transmettre, de coopérer entre disciplines. L’accès s’observe également par la facilité à utiliser les outils, nous l’avons déjà précisé : l’informatisation ou le support papier dans des lieux adaptés.
Afin de parvenir à ce travail relationnel, plusieurs leviers peuvent être envisagés. En rééducation-réadaptation, la formation à l’interdisciplinarité représente le premier d’entre eux. Sans entrer dans le détail, de nombreux organismes proposant ce type de formations, ces dernières devraient permettre de développer le travail en équipe, concerner le maximum de métiers différents afin de créer une certaine dynamique et un échange de compétences, de points de vue. La base doit être une volonté forte de la direction de voir se développer cette interdisciplinarité au sein de l’institution. Par ailleurs, la formation de l’encadrement sur ces mêmes thèmes du travail en équipe, du projet de soins individualisé et de l’interdisciplinarité doit être favorisée.
Les cadres auront aussi un rôle important à l’arrivée de nouveaux salariés. Dans une procédure d’accueil, doivent être intégrées une ou plusieurs séances destinées à exposer ces notions aux arrivants ainsi que l’état d’esprit dans lequel travaille l’équipe. Chaque cadre dans son secteur doit pouvoir compter sur le collègue d’une autre discipline pour présenter les différentes professions ainsi que les partenaires avec lesquels ce nouvel agent va devoir travailler, comprendre les manières de fonctionner. L’évaluation à distance de leur implication interdisciplinaire doit être mesurable grâce à des indicateurs précis.
Un autre levier peut être la mise en place d’un groupe pluridisciplinaire d’analyse de pratiques. Cette méthode d’évaluation permet de développer l’esprit d’équipe, la connaissance du travail de l’autre, l’expression de ses propres difficultés. Cette démarche réflexive permet, outre l’échange, la construction de l’identité professionnelle à titre individuel mais également collectif. Enfin, une des actions de ce groupe pourrait être la création, pour certaines pathologies, de chemins cliniques où chacun trouverait sa place. Cette approche par programmes favorise l’uniformisation des pratiques, la continuité et la délivrance de soins de qualité, la coordination, la communication entre acteurs et la rationalisation des soins et de la gestion des risques au service de la personne soignée.
4.4.3. Agir avec les acteurs
Après avoir proposé d’intervenir sur les structures et les processus, nous désirons présenter quelques pistes d’amélioration envisagées avec le patient et les professionnels.
4.4.3.1. Le patient et l’entourage
L’hypothèse vérifiée de ce travail de recherche a montré la place primordiale du patient. Nous ne reviendrons pas sur cet aspect mais plutôt sur les éléments lui permettant de la tenir.
Le projet de soins se doit d’être établi sous forme de contrat dès l’entrée. Ainsi, dès l’accueil, un document de présentation distribué en même temps que le livret d’accueil, permettrait au patient et à l’entourage de prendre connaissance des enjeux de la prise en charge. Il précèderait l’entretien d’accueil nécessaire à l’élaboration du projet de soins.
Afin de renforcer son individualisation, il est essentiel de donner la parole à l’entourage, si le patient le souhaite. Nous ne l’avions pas perçu mais l’enquête a montré que famille et/ou ami représentaient un appui certain pour le malade en de nombreux exemples. Au-delà de l’aspect règlementaire de la désignation de « la personne de confiance » ou de celle convenue de « la personne à prévenir », cet entourage s’avère régulièrement fondamental afin de favoriser l’accompagnement dans les moments difficiles et le retour à un meilleur état de santé du patient.
Un autre axe de travail pourrait être la mise en place d’un référent du patient tout au long de sa prise en charge. Selon la pathologie, il pourrait être plutôt kinésithérapeute dans le cas d’atteinte de l’appareil locomoteur, ergothérapeute dans le cas de perturbations au niveau des membres supérieurs ou soignant dans un autre cas pour ne citer que quelques exemples. Ceci permettrait une identification claire pour le patient et l’entourage ainsi qu’une responsabilisation pour le professionnel référent et un repère pour les autres, chacun restant maître dans son champ de compétences.
Par ailleurs, lorsque chacun a trouvé sa place, les médicaux et paramédicaux pourraient développer chez le patient l’enpowerment. Cette manière de reconnaître en la personne soignée, un être capable d’autoréguler ses capacités à se prendre en charge, pourrait devenir un leitmotiv pour les intervenants. Johanne MAGNON écrit : « …la notion d’enpowerment est associée à un processus de développement et d’acquisition d’un plus grand contrôle ou pouvoir sur sa vie et par conséquent sur sa santé[65] ». Il s’agit d’un phénomène « …intra-personnel. Il ne peut être donné, il doit provenir de la personne ou du groupe […] il est particulier à chaque personne et ce, dans un contexte spécifique ». Pour les professionnels, comment parvenir à développer cet aspect ? Justement, le travail en équipe pluridisciplinaire et la création commune du projet de soins centré sur le patient est, à notre sens, le principal levier. Partager avec le patient, la conception, l’évolution et la clôture du projet constitue un appui à l’enpowerment. Ainsi, entre le patient et le praticien, il y a lieu de rechercher l’alliance thérapeutique[66]. Sigmund FREUD proposait que le thérapeute établisse un lien avec la personne soignée dès le début de la relation thérapeutique. Carl ROGERS reprend cette idée selon laquelle la relation offerte par le soignant est une condition importante et selon lui nécessaire et suffisante pour aider la personne à résoudre ses problèmes (empathie, congruence, acceptation inconditionnelle du soignant). Nous avons trop tendance dans nos sociétés à regarder la personne à soigner comme un patient, au sens de personne qui attend qu’on la guérisse, elle doit être considérée comme un être capable.
4.4.3.2. Les professionnels
Le cadre de santé, après avoir compris le système, développé sa stratégie et envisagé des actions sur ce qui l’entoure, veille à considérer le patient et l’entourage comme des partenaires de soins. Il doit travailler également avec les professionnels. Il s’agit pour lui d’analyser, d’organiser et de communiquer, tout cela afin d’assurer les meilleures conditions possibles au changement.
Nous avons développé l’importance de favoriser l’enpowerment chez le patient et les questions à se poser maintenant seraient les suivantes : le management ne vise-t-il pas à le développer chez les professionnels ? L’équipe ne peut-elle en faire une valeur partagée ? Dans un paragraphe antérieur, nous avons présenté comment le cadre, par une connaissance de l’environnement, des hommes et des organisations, pouvait manager une équipe. Pour aller plus loin, chacun des individus qui composent l’équipe, possède en lui la force ou faculté d’action en direction d’un but commun. Chaque professionnel dispose de ce pouvoir d’agir en homme capable et pas seulement comme un exécutant ou tâcheron. Il appartient au cadre de proposer les conditions nécessaires pour permettre à cette conception de se développer.
Une des grandes difficultés sera de répondre au défi suivant : veiller à maintenir une unité de temps et d’espace. Le temps est différent pour chacun des métiers de la rééducation-réadaptation, cependant, ceux consacrés aux échanges doivent être encouragés, qu’ils soient formels ou informels, nous l’avons vu précédemment. L’encadrement doit favoriser la mobilité professionnelle afin de décloisonner l’espace de chacun. Ménager des lieux d’échanges communs permettraient de lever ces freins à l’interdisciplinarité. Le temps de la constitution du contrat de soins, du projet de soins individualisé, de l’évaluation des progrès du patient et les réunions pluridisciplinaires permettront d’atteindre cet objectif.
Nous avons considéré que le cadre de santé était un marginal sécant mais, malgré sa position centrale au cœur de nombreux systèmes, il n’est pas seul. Le binôme qu’il constitue avec le médecin doit devenir un véritable levier au « travailler ensemble » dans les équipes. Le médecin dans son rôle de prescripteur et d’accompagnateur à la compréhension des phénomènes médicaux et le cadre par son management de proximité au quotidien, doivent concourir à promouvoir cette idée. Sans vouloir ne faire qu’un, ils représentent cette dynamique à deux têtes, capable d’impulser cette marche en avant du projet de soins vers l’interdisciplinarité. Dans le partenariat en rééducation-réadaptation, le cadre d’unité doit rechercher également la collaboration avec ses collègues cadres de rééducation, lorsqu’ils existent. Il y a lieu de souligner, dans ce cas, l’action de toute l’exemplarité essentielle. L’amélioration de la gestion des équipes pluridisciplinaires se présente comme le but de cette coopération, en complément de la qualité de la prise en charge.
Au quotidien, le cadre de santé développera auprès des équipes un management participatif qui va de soi dans cet objectif de partage, de complémentarité. Ainsi, l’information circule plus facilement, les responsabilités sont partagées, la communication s’améliore et les problèmes peuvent être résolus au niveau où ils se posent. Dans ce management, le cadre accompagne, impulse et maîtrise. Cette vision suscite l’engagement et la contribution de chacun. Les professionnels retrouvent une zone d’autonomie et de pouvoir leur permettant de participer à l’amélioration de la prise en charge.
Afin de renforcer ce rôle d’acteurs des partenaires, le cadre doit veiller, avec la direction, à proposer un plan de formation adapté aux besoins du service et des agents. Dans notre cas, le programme peut être axé sur le travail en interdisciplinarité, les outils, l’équipe, le projet de soins, la connaissance des autres etc…
Nous avons évoqué dans une partie antérieure, la place des nouveaux personnels dans les services. Nous n’y reviendrons pas, cependant, l’arrivée sur le marché du travail de générations habituées au projet de soins, raisonnement et jugement cliniques et autre travail en interdisciplinarité, doit être un élément favorable pour le développement de toutes ces notions. Le cadre de santé pourra s’appuyer sur leur savoir-faire afin d’impulser le changement auprès de leurs collègues plus anciens. Même si le conflit générationnel peut être handicapant, le cadre devra jongler entre l’expertise des « anciens » et celle des « nouveaux ».
L’encadrement des stagiaires dans le nouveau référentiel de formation auquel ils sont confrontés, peut également constituer un facteur favorisant le changement. L’analyse de pratiques qui doit accompagner les stages peut être l’occasion de faire participer l’équipe à une analyse réflexive sur une situation de prise en charge pluridisciplinaire.
Pour terminer, comme dans toute recherche d’amélioration de prise en charge et de travail en équipe, le cadre de santé veillera à évaluer son équipe, les activités ainsi que les pratiques, à la recherche de la qualité du service attendu. Après avoir prévu, il réalise puis évalue et enfin améliore. La roue de la qualité continue de se déplacer vers un niveau de performance optimal, en direction de la qualité et la sécurité des soins. Francis MINET écrit : « le manager utilise des tableaux de bord, des indicateurs, il développe des outils de reporting pour mesurer les performances; à la fois pour effectuer un suivi de l’action de ses collaborateurs et une évaluation de leur action[67] ». Dans notre cas, le cadre utilisera ces outils pour mesurer l’écart entre le résultat attendu et le résultat constaté afin de réajuster et de programmer les améliorations. Selon Charles HADJI, expert reconnu dans les champs de la formation des enseignants et de la philosophie de l’éducation, donne cette définition : « Evaluer, c’est mettre en relation des éléments issus d’un observable (ou référé) et un référent pour produire l’information éclairante sur l’observable, afin de prendre des décisions[68] ». Pour le cadre de santé, cette évaluation demeure dans ce champ d’observation et de comparaison entre deux états. Pour lui, il s’agit au départ d’évaluation normative. Nous avons présenté dans un chapitre précédent la norme obtenue par le changement. Ce type d’évaluation permet au cadre de comparer les pratiques entre elles dans une organisation, c’est-à-dire par rapport à la norme attendue. Puis, il passera par une phase d’évaluation formative « … dont l’ambition est de contribuer à la formation[69] ». Ce positionnement lui permettra de valoriser le travail des professionnels, ce qui peut être susceptible de les impliquer dans un processus de changement. Malgré cela, l’évaluation renvoie toujours à la qualité ; le cadre est pris en tenaille entre l’efficience et l’accompagnement humain vers une meilleure prise en charge des hommes, patients et professionnels.
Toutes ces préconisations s’entendent dans le contexte d’approche systémique stratégique et de changement défini préalablement. Ces solutions ne présentent pas de prétention exhaustive mais conduisent à un questionnement ainsi qu’une approche basée sur l’humain.
La place et la perception du handicap dans notre société ont fortement évolué depuis la classification par l’O.M.S. en 1980. Sa définition s’est modifiée et il faut la percevoir aujourd’hui comme situation de handicap, sous-entendant que c’est la société et l’environnement de l’individu qui constituent un handicap ; tout en tenant compte de ces éléments, il ne faut pas négliger la subjectivité du ressenti de la personne. La notion de handicap est également valable pour un problème de santé (pertes ou limitation de capacités).
Partant de ce postulat, la rééducation-réadaptation est reconnue comme une discipline médicale émergente. Au sein de cette spécialité et de notre établissement de rattachement, nous avons eu l’occasion de découvrir certains dysfonctionnements qui pesaient sur la prise en charge de la personne soignée.
A partir de cette observation et de recherches sur le sujet, nous avons pu mettre en évidence différents leviers susceptibles d’améliorer la qualité des soins. L’étude par l’analyse d’un questionnaire a permis de confirmer notre hypothèse de départ : lorsque le projet de soins individualisé est élaboré en commun et de manière précoce, l’équipe pluridisciplinaire apporte toute son expertise collective. Cependant, des écueils existent et la préconisation d’axes d’amélioration s’avère essentielle. Nous avons proposé d’agir : le cadre de santé, par méthode, envisage une approche systémique de remédiation ainsi que le changement en accompagnant les équipes dans la conduite de projet. Partant de cette analyse stratégique, il pourra agir sur la structure, le processus et les acteurs, non isolément mais en symbiose avec les membres de l’équipe.
En rééducation-réadaptation, deux notions s’avèrent particulièrement dominantes : le temps et l’équipe. L’élaboration du projet de soins prend en compte le temps du patient mais aussi celui nécessaire aux professionnels pour le construire et connaître la personne. Le temps de la mise en place des aides et soins apparaît également indispensable de même que celui de l’instauration et la circulation efficace de l’information, qu’elle soit formelle ou informelle. Il semble essentiel de tenir compte également du temps du cadre de santé qui accompagne le changement et donc le projet de modification des habitudes dans une perspective de qualité et de sécurité des soins. Dans cette discipline, la notion d’équipe se pose comme un état d’esprit interdisciplinaire, permettant d’avancer ensemble vers un objectif commun en tenant compte du patient en tant que partenaire.
Accepter de revisiter ses représentations, de revoir ses habitudes, ses certitudes, tel est le challenge à relever. La rééducation a su s’adapter aux mutations politiques et environnementales. Au sein des équipes, le cadre de santé, en position de marginal sécant, détient une place d’acteur central où chacun évolue autour de lui. Il possède les compétences susceptibles de créer des attirances entre les différents éléments de ce système complexe. Il installera des ponts dans le but de donner vie à l’interdisciplinarité.
Concept en sciences infirmières, ce thème nous semble un excellent sujet de réflexion, un levier incontournable pour l’amélioration de la prise en charge du patient. Dans des pays pionniers tels que le Canada ou la Suisse, la recherche en soins infirmiers possède déjà ses lettres de noblesse. L’exemple de l’approche programme est exemplaire : elle s’appuie sur un fonctionnement d’équipe interdisciplinaire, un mode de gestion décentralisée et sur l’offre des services généralement spécialisés et regroupés selon une communauté de besoins. Elle assure un plan d’intervention personnalisé, élaboré et réalisé en collaboration avec le patient, en fonction de ses besoins et en tenant compte de son contexte réel de vie ; elle permet de répondre aux exigences d’évaluation des résultats et de l’efficience des services associés à la qualité des soins. En résumé, nous disposons en France, de tous les attributs d’un concept prêt à supporter une recherche en sciences infirmières plus approfondie.
Compte tenu de l’évolution future de la profession, n’y-a-t-il pas lieu d’espérer une orientation accélérée vers le système universitaire susceptible d’ouvrir des portes à ces pratiques avancées ? L’avènement de l’interdisciplinarité et de la discipline de la rééducation ne se présente-il pas comme une ouverture vers une possible recherche ou une future voie universitaire ? Nous y croyons.
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ANNEXES
Annexe I
La carte conceptuelle – C9 – Nouveau référentiel de formation.
Annexe II
Le courrier adressé aux directeurs de soins.
Annexe III
Le questionnaire de l’enquête.
Annexe IV
Les résultats de l’enquête.
[1] Extrait de BERGER G., La phénoménologie du temps et prospective, Vendôme, Ed. PUF, 1964, 279p.
[2] MINISTERE DE LA SANTE ET DES SPORTS, La loi HPST à l’Hôpital. Des clés pour comprendre, Paris, 2009, 160p.
[3] MUCCHIELLI A., Psychologie de la communication, Vendôme, Ed. PUF, 1995, p.246.
[4] CHAGUE V., Comment améliorer la coopération au sein de l’équipe soignante ?, Soins Cadres, Mars 2008, supplément au n°65, pp.S8-S14.
[5] SCHWACH V., Principes et méthodes de l’interdisciplinarité en réadaptation fonctionnelle, Gestions Hospitalières, Mars 2005, pp.207-213.
[6] FORMARIER M., JOVIC L., Les Concepts en Sciences Infirmières, Lyon, Ed. Mallet Conseil, 2009, 291p.
[7] MUCCHIELLI R., Le travail en équipe, 11ème éd., Issy les Moulineaux, ESF éditions, 2009, 208 p.
[8] SFAP Collège soins infirmiers, L’infirmier(e) et les soins palliatifs, Paris, Ed. Masson, 1999, 237 p.
[9] ROUHIER C., Le projet de soin individualisé, Objectif Soins, Mars 2005, n°134, pp.13-14.
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[13] Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, Paris, Edition du Journal Officiel parue au Journal Officiel du 5 mars 2002, [en ligne], http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000227015&dateTexte= (page consultée le 24/02/2011).
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[15] AMAR B., GUEGAN J-P., Nouveaux cahiers de l’infirmière n°2 : Concept et théories, démarche de soins, Paris, Ed. Masson, 2007, pp.114-122.
[16] Ibid.
[17] HEESBEN W., Le soin dans la relation humaine, Brochure 27ème Journées AIRR, Paris, Septembre 2009, pp.9-17.
[18] SVANDRA P., Un regard sur le soin, Recherche en Soins Infirmiers, Lyon, Ed. Mallet Conseil, Décembre 2008, n°95, pp.6-13.
[19] FORTIN B., Site http://www.psychologue.levillage.org/, [en ligne], http://www.psychologue. levillage.org/sme1020/3.html (page consultée le 07 avril 2011).
[20] Ibid.
[21] BOUCHARA J., RIVALLAN J., Projet de vie et projet de soins, la réminiscence de la vocation, Soins Gérontologie, Mai/Juin 2009, n°77, p.21.
[22] PSIUK T., Le raisonnement clinique et la personnalisation des soins, Brochure 25ème Journées AIRR, Sochaux, Septembre 2007, pp.21-25.
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[25] HESLON C., Projet de vie ou objet de soins, quelle alternative pour le grand âge ?, Soins Gérontologie, Mai-Juin 2009, n° 77, pp.22-24.
[26] MOTTA JM., « Pour une approche du travail en équipe » In : Site cadre de sante.com, 2003, [en ligne], http://www.cadredesante.com/spip/spip.php?article150, (page consultée le 9 octobre 2010).
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[28] Annexe I – Carte conceptuelle issue d’un enseignement réalisé par les formatrices de l’IFSI de Nevers et notamment N.PINAUD cadre formateur référent de la compétence 9 du nouveau référentiel de formation.
[29] MOTTA JM., « Travail en équipe : Positionnement cadre envers ‘‘ l’Un-dividu’’ soignant. (1ère partie) » In : Site cadredesante.com, [en ligne], http://www.cadredesante.com/spip/spip.php? article154, (page consultée le 9 octobre 2010).
[30] LAMORTHE C., La coopération inter-hospitalière, bilan et perspectives, Soins Cadres, Février 2002, n°41, pp.5-6.
[31] DRASS-ARH Ile de France, Projet de soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques, Guide d’élaboration et d’évaluation, Décembre 2006, 13p.
[32] GUERIN B., Projet de soins, Les Concepts en Sciences Infirmières, Lyon, Ed. Mallet Conseil, 2009, p.283.
[33] Site infirmiers.com, www.infirmiers.com, [en ligne], http://www.infirmiers.com/profession-infirmiere/legislation/decret-nd-2004-802-du-29-juillet-2004-relatif-aux-parties-iv-et-v-annexe.html (page consultée le 19/01/2011).
[34] LOI n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, Paris, Editions du journal officiel parue au Journal Officiel le 22 juillet 2009, [en ligne], http://www.journal-officiel.gouv.fr/frameset.html (page consultée le 19/01/2011).
[35] FORTIN B., Site http://www.psychologue.levillage.org/, [en ligne], http://www.psychologue. levillage.org/sme1020/1a.html (page consultée le 24/02/2011)
[36] Dr HEBERT R., Définition du concept d’interdisciplinarité. Colloque : « De la multidisciplinarité à l’interdisciplinarité » Québec. 4 et 5 avril 1997. Institut Universitaire de Gériatrie de Sherbrooke.
[37] Dr WIROTIUS J.M., La question du sens en médecine physique et de réadaptation, Brochure 25ème Journées AIRR, Sochaux, Septembre 2007, pp.18-20.
[38] DEJOURS C., Coopération et construction de l’identité en situation de travail, Site de Multitudes, Mars 1993, [en ligne], http://multitudes.samizdat.net/Cooperation-et-construction-de-l,(page consultée le 17/10/2010).
[39] HESBEEN W., La réadaptation, Paris, Ed.Seli Arslan, 2001, p.48.
[40] FOURASTIE J., LEVY.S., Statistiques appliquées à l’économie, 3ème édition, Paris, Ed. Masson, 1993, p.1.
[41] DE SINGLY F., Le questionnaire, 2è édition refondue, Barcelone, Ed. Armand Colin, 2008, p.14.
[42] Annexe III présentée sous deux formats : un premier issu de notre propre saisie et un second tiré du logiciel Le Sphinx©.
[43] FOURASTIER J., LEVY S., Statistiques appliquées à l’économie, 3ème édition, Paris, Ed. Masson, 1993, pp.1-2.
[44] Ibid. p.34.
[45] Logiciel développé par la société Le Sphinx Développement © 1986-2006.
[46] DE SINGLY F., Le questionnaire, 2è édition refondue, Barcelone, Ed.Armand Colin, 2008, p.42.
[47] Annexe II
[48] FOURASTIE J., LEVY.S., Statistiques Appliquées à l’économie, 3ème édition, Paris, Ed.Masson, 1993, p.3.
[49] DE SINGLY F., Le questionnaire, 2è édition refondue, Barcelone, Ed.Armand Colin, 2008, p.43.
[50] DE SINGLY F., Le questionnaire, 2è édition refondue, Barcelone, Ed.Armand Colin, 2008, p.64.
[51] Annexe IV présentée sous 2 formats : un premier relatant les réponses exploitables en tableaux statistiques et un second signifiant les autres réponses « autres » et ouvertes.
[52] FOUREZ G. Pr., Des représentations aux concepts disciplinaires et à l’interdisciplinarité, Recherche en Soins Infirmiers, n°66, Septembre 2001, pp.16-22.
[53] BERNOUX P., La sociologie des organisations, 3ème édition revue et augmentée, Paris, 1990, Ed. Le Seuil, p.137.
[54] HART J., LUCAS S., Management hospitalier, Rueil Malmaison, Ed. Lamarre, 2002, p.35.
[55] SFAP Collège soins infirmiers, L’infirmier(e) et les soins palliatifs, Paris, Ed. Masson, 1999, p.218.
[56] SCHOETTL JM., STERN P., La boîte à outils du management, Paris, Ed. Dunod, 2009, pp.164-165.
[57] Terme utilisé par SCHOETTL JM.et STERN P. (références ouvrage page précédente), pour désigner les acteurs prêts à s’engager et à être actifs dans une organisation.
[58] ZARIFIAN P., Objectif compétence, Paris, Ed. Liaison, 1999, 229p.
[59] CROZIER M., FRIEDBERG E., L’acteur et le système, Paris, Ed. Le Seuil, 1992, p.86.
[60] HART J., LUCAS S., Management hospitalier, Rueil Malmaison, Ed. Lamarre, 2002, p.90.
[61] SCHOETTL JM., STERN P., La boîte à outils du management, Ed. Dunod, Paris, 2009, pp.166-167.
[62] Décret n°92-329 du 30 mars 1992 relatif au dossier médical et à l’information des personnes accueillies dans les établissements de santé publics et privés. Section 1.
[63] Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
[64] Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
[65] MAGNON J., Enpowerment, Les concepts en sciences infirmières, Lyon, Ed. Mallet Conseil, 2009, pp.162-165.
[66] Extraits du cours IFSI Nevers présenté en septembre 2009 dans le cadre de la compétence 2 du référentiel de formation Concevoir et conduire un projet de soins infirmiers
UE 3.2 S3 Projet de soins infirmiers (consulté en Janvier 2011).
[67] MINET F., Le management, entre notions, concepts et pratiques, dans le contexte hospitalier, Recherche en Soins Infirmiers, Décembre 2007, n°91, pp.24-28.
[68] DEFRESNE C., RUFIN F., Evaluation, Les concepts en sciences infirmières, Lyon, Ed. Mallet Conseil, 2009, pp.180-181.
[69] Ibid.