EQUIPE SUD-CREUSE
Ce qui a été notre travail – résumé de la démarche pour notre groupe
Peut-on imaginer une démarche collective qui soutienne des exigences éthiques – respect de la personne vulnérable et des partenaires et tende vers une cohérence pluridisciplinaire ?
1 – Un collectif singulier
Par le temps de travail très court et des séances très rapprochées, le groupe ayant été constitué en mai 2018. Nous avons déploré le manque de disponibilité intellectuelle entre chaque séance. On estime qu’il nous a manqué 6 mois pour mieux digérer et préparer les séances. Notons qu’au départ 10 professionnels étaient intéressés par la démarche et que malheureusement, par manque de temps, le groupe a fini avec 5 participants.
Les compte-rendus ont été appréciés car ils permettaient de faire une pause dans notre quotidien pour penser au projet et prendre du recul par rapport aux questions posées par le processus Pluriact et par conséquence parfois sur notre façon de faire. Le fait de relire ce qui a été dit a aussi permis de se rappeler d’une chose dite et oubliée.
Par sa composition :
- Une psychologue formée à la coordination en gérontologie,
- Une ergothérapeute au sein d’une équipe alzheimer,
- Une coordinatrice de CLIC,
- Une élue,
- Un médecin généraliste,
- Un directeur d’association d’aide à domicile,
- Une responsable de service de tutelle.
Les membres de ce collectif travaillent sur le même territoire, parfois auprès des mêmes personnes mais sans faire équipe.
Par des modes de fonctionnement différents : certains travaillent en équipe avec une hiérarchie, d’autres seuls. Malgré un objectif commun identifié et partagé qui est celui d’être au service de l’usager vulnérable, notre mode de fonctionnement influe sur notre comportement. Ainsi
- la parole a été libre et sans auto-censure,
- la reconnaissance mutuelle a été acceptée : nous étions tous là comme des professionnels sans jugement sur nos valeurs professionnelles,
Le travail fait ensemble nous a permis de nous rassurer : notre objectif commun est bien de nous occuper des personnes vulnérables. De les accompagner en leur laissant un libre-arbitre et une liberté maximale tout en faisant attention à eux et en respectant les gestes professionnels qui incombent à chaque métier.
2- Un collectif singulier, qui a travaillé sur les 6 axes proposés par la démarche PLURIACT
Le processus a semblé difficile à aborder par plusieurs d’entre nous. Certains se sont donc laissés portés par la démarche. On nous a dit plusieurs fois que les choses allaient s’imbriquer, que c’était un tout et c’était vrai : pluriact est un parcours. Les dénominations des axes nous ont parfois paru comme nébuleuses.
Notre groupe a apprécié le premier axe qui portait sur les dysfonctionnements. Ainsi ce qui a pu paraître violent pour des équipes « constituées » nous a permis de tout mettre sur la table sans filtre. Cela a forgé une certaine confiance les uns aux autres en posant des bases pour mieux se connaître, créant une sorte de symbiose psychologique. On a entendu tout ce qu’on avait à dire et on est revenu pour l’axe deux ! On a aussi retenu que tous les dysfonctionnements que l’on subit ne sont pas liés seulement à nous. Pour nous, le terme de dysfonctionnement n’a pas été choquant mais évident ! Parler des dysfonctionnements était plutôt un point commun.
Le deuxième axe a fini de souder notre groupe puisqu’il était question de notre objectif commun, de ce que l’on avait à partager.
Pour nous lancer sur ce sujet chacun a présenté intimement pourquoi il avait choisi son métier : c’est une livraison d’une partie de soi qui nous a permis de voir que finalement il pouvait y avoir un fossé entre nos idéaux de départ et la réalité du terrain professionnel. Mais malgré l’écart entre ce qui nous a amené à faire ce métier et la réalité, chacun de nous est toujours là à exercer.
Au final les participants se sont retrouvés dans l’importance de trouver du plaisir à travailler, comme condition pour conserver notre éthique.
Remettre l’usager au centre de son parcours de soins est très compliqué : ce troisième axe a mis en lumière toute la difficulté d’aider des personnes en perte d’autonomie. Quand on perd son autonomie on perd de sa dignité. La personne n’a plus la maîtrise de son temps : une partie de ce qui faisait ses activités va être prise en charge : ses repas, sa toilette, son coucher… Les interventions arrivent souvent trop tard : urgence souvent et parfois hospitalisation d’office ou des familles épuisées qui nous alertent. On arrive à la conclusion qu’il faut une anticipation de la fragilité le plus tôt possible le travail en réseau avec plusieurs structures de proximité prend tout son sens. La question de la transparence se pose également. Comment anticiper sans être intrusif ? Comment proposer un soutien inconnu à une personne déjà fragile ? Comment gérer des enfants qui n’acceptent pas la fragilité de leurs parents ? Comment expliquer aux familles que parfois, boire un café avec l’aide-ménagère est bien plus important que de nettoyer le dessus des armoires ! En tout état de cause, il faut accepter les choix des patients. C’est comme ça qu’on leur permet d’être acteur et le travail en réseau aide le patient mais aussi le professionnel.
Dans un travail de groupe efficace, la reconnaissance mutuelle est primordiale. Ainsi ce quatrième axe a –t-il été abordé en rappel des dysfonctionnements viennent parfois d’une multitude d’acteurs et de professionnels. Les dispositifs changent trop vite et on n’a pas le temps d’analyser la plus value… Il y a un manque de communication évident à deux niveaux : vers les professionnels à qui l’on s’adresse mais aussi vers les personnes vulnérables. Les nominations des structures peuvent poser problème : que signifient les sigles : la MAIA (Méthode d’Action pour l’Intégration des services d’aide) ? la PTA (plate forme territorial d’appui) ? le CLIC (centre local d’information et de coordination)? l’ESA (équipe spécialisée alzheimer) (les dames de la mémoire !!)? Dans notre groupe, la reconnaissance mutuelle a été perçue sous un angle collectif et pas individuel. Parce qu’au sein de notre groupe elle n’a pas été mise en doute. Pluriact a permis de découvrir, d’écouter et d’échanger avec des individus volontaires et non des institutions. Souvent quand les choses dysfonctionnent, on voit les institutions au lieu des individus. Si une méthode pluridisciplinaire peut nous aider à voir les individus c’est mieux !
La question des échanges à l’intérieur du réseau a été discutée lors du 5 ème axe. C’est un axe qui a du sens pour notre groupe car pour échanger il faut être disponible en même temps, ce qui est vraiment compliqué quand on est loin les uns des autres… Cette question est prise en compte puisqu’il existe PAACO – GLOBULE (sorte de logiciel interface) et bientôt la PTA. Mais on est tous d’accord pour dire que la meilleure communication passe par la confrontation à l’autre. Les rencontres autour des cas existent au sein du CLIC, les dates sont prévues à l’avance, le système invite les professionnels concernés par un cas. Les MAIA organisent aussi des réunions de concertation de clinique pour les situations complexes. Il est parfois compliqué de rentrer en contact avec des médecins généralistes ou avec le CHU pour des prescriptions.Il faudrait peut-être développer la vidéo-conférence qui fonctionne bien et évite des temps de trajets important. En tout cas, on s’est rendu compte que nous fonctionnions plutôt bien entre nous (par mail et téléphone) et que c’est bien ça l’essentiel !
Et tout ce processus nous a amené au 6ème et dernier axe : celui de la réflexivité (un mot imbuvable !). Le début de cette rencontre thématique a été compliqué et silencieux ! Mais les silences ont du sens et il faut les laisser s’exprimer. Prendre du recul par rapport à nos pratiques et être en accord avec son éthique ? Pour un participant, c’est de laisser la liberté à ses patients. La pluridisciplinarité peut apporter de nouveaux regards sur un cas difficile pour prendre la décision la meilleure. Pour tous les participants, l’éthique est fondamentale et il semble essentiel de pouvoir travailler en équipe. La solitude fait qu’il faut trouver des lieux de parole pour s’entendre dire les choses. En mettant des mots, on prend du recul. Certains services pratiquent la supervision qui permet d’apporter un regard neutre. Un échange avec la personne vulnérable elle-même peut aussi aider pour la remettre au centre d’une solution qui la concerne. Nous pratiquons l’auto-réflexion mais seul on tourne parfois en rond alors qu’une phrase d’une personne extérieure peut tout débloquer. L’humour noir peut aussi permettre de prendre de la distance quand la situation est trop grave ou trop triste. Un participant dit que pour lui l’important c’est de ne rien regretter : même la mort n’est pas un échec car parfois il est libérateur de voir les patients qui souffrent partir. La réflexivité et l’éthique ne sont pas enseignées dans les formations. On les apprend sur le tas. L’éthique est parfois mise à mal par les hiérarchies et les différents fonctionnements des services et si Pluriact doit être décliné, il faudra prendre en compte le cadre souvent contraint dans lequel le professionnel évolue.
3- Un collectif singulier, qui a travaillé sur les 6 axes proposés par la démarche PLURIACT et qui prend du recul sur la démarche …
- a/ des concepts abstraits et quelques frustrations …
Il faut admettre que la démarche est abstraite, conceptualisée et difficile à intégrer. On avait tous un peu peur de ne pas comprendre. La démarche était trop conceptualisée. On a proposé de mettre des « sous-titres ». Pour plusieurs d’entre nous, accepter de participer au départ, c’était l’occasion d’échanger avec des collègues : mais en fait c’est tout à fait ça la démarche de Pluriact. Notre solidarité face à l’incompréhension des axes a aussi permis de souder le groupe, d’engendrer de la dynamique et du partage. Les axes 3 et 4 auraient pu être inversés : faire passer la connaissance mutuelle avant l’usager aurait eu peut être plus de sens.
L’impuissance liée à la hiérarchie ou aux décisions étatiques a été soulevée plusieurs fois et faudra prendre en compte cette difficulté. On nous pousse parfois à travailler ensemble mais avec des fonctionnements qui ne conviennent pas à « mon » éthique.
Nous avons trouvé une solution… créer un PLURIACT avec les chefs de service, puis les chefs au-dessus pour aller jusqu’aux décisionnaires. Que la réflexion sur l’éthique puisse être au centre des décisions car elle est essentielle.
- b/ mais de la plus- value et des rencontres
Pour tous les participants qui ont été au bout de la démarche, l’expérience a été intéressante et enrichissante. Elle a permis de confronter des compétences et des points de vue. Les rencontres obligent à prendre un temps de recul que nous n’avons pas dans le tourbillon de nos activités quotidiennes. Pluriact a été vécu comme une sorte de « bulle » : s’extraire pour réfléchir à pourquoi on fait les choses. Les rencontres Pluriact ont eu lieu dans un endroit neutre ce qui déconnecte du quotidien ce qui a pu une démarche un peu thérapeutique et qui apaise pour certains.
- PLuriact permet à ceux qui travaillent seul de se resituer dans une équipe en donnant un sentiment d’appartenance à un groupe. Il semble essentiel de pouvoir travailler en équipe et non de façon isolée.
- Pluriact permet de la réflexion et c’est cette réflexion qui fait changer même si le changement qui fait peur aux gens, même si la solution vient souvent du changement.
- Les conduites de réunion étaient bienveillantes, sans jugement.
- Un lien de confiance s’est créée au fil des séances ce qui a permis une vraie réflexion sans jugement
4- Un collectif singulier, qui a travaillé sur les 6 axes proposés par la démarche PLURIACT, qui prend du recul sur la démarche et qui a même échafaudé des projets…
Il faut penser à des lieux de vie où les fragilités pourraient être supportables car anticipées. Il y a un travail à faire pour les générations à venir, de façon collective.
Il faut professionnaliser les aides à domicile dont le métier n’est pas reconnu et leur souffrance au travail non plus. Le collectif pourrait apporter un accompagnement en fonction des possibilités cognitives et ainsi jouer un rôle par des formations et des échanges par exemple. On pourrait penser à se former les uns les autres dans un cadre donné : partager les compétences pour apporter un plus.
5- Un collectif singulier, qui a travaillé sur les 6 axes proposés par la démarche PLURIACT, qui prend du recul sur la démarche et qui a même échafaudé des projets et qui a dit des phrases choc !
Ce serait bien de se retrouver pour d’autres projets, avec la même équipe !
PLURIACT ça ne se raconte pas ça se vit !
« Moi ce qui me motive le matin c’est de savoir que je ne serais pas le même ce soir : j’aurais changé dans ma journée. »
« On ne peut pas faire le bonheur de quelqu’un qui veut mourir »… Voilà une phrase qui a aidé une participante à prendre du recul et à lâcher un peu prise sur un cas douloureux rencontré.
La pluridisciplinarité est un outil de distanciation.
Et si on inventait un café philo ? Un café débat ? Un café Pluriact quoi ?
En conclusion :
Notre expérience montre que l’échange verbal et la rencontre sont indispensables au travail d’équipe. Une charte n’est peut-être pas le plus adapté car les choses sont sans cesse en mouvement et les équipes aussi. On ne peut pas poser une méthode à l’écrit. La démarche doit probablement s’adapter à chacun à un instant T. Et chacun nourrit la démarche de son expérience, de ses idées.
Notre équipe a pu démontrer que le travail en équipes diverses, extérieures à une structure, permet d’élargir ses façons de penser, d’aller plus loin dans la réflexion. Mais aussi d’avoir des profils vraiment très variés (chacun a son champ de compétence, ses facilités, ses connaissances dans un domaine pouvant alimenter la réflexion au sein de la démarche) avec toujours le même point commun = l’accompagnement de personnes vulnérables.
Ainsi, se rencontrer permet aussi la mise en commun d’idées pouvant faire ressortir des projets communs : peut-être que la démarche pourrait être cette mise en lien de professionnels dans une même localité pour faire aboutir des projets en lien avec l’amélioration de l’accompagnement des personnes vulnérables.
Compte rendu présenté par Virginie BONNEFOND