Entretien collectif PLURIACT – CH Aubusson
26/09/2018
Pour cette équipe, l’expérience PLURIACT permet de confronter des vécus différents. Cela permet de revoir la vision négative que l’on peut avoir à propos de certains services. « Quand on ne connaît pas bien, on se fait de fausses idées ». Ces ateliers permettent d’ouvrir l’esprit et d’avoir une réflexion sur soi-même.
Le travail avec PLURIACT permet également de donner du sens au travail et d’apporter de la cohérence dans les différentes approches. Il permet de resituer pourquoi on est là et de retrouver le cœur du métier que l’on a tendance à oublier au quotidien. La priorité sur laquelle on doit se recentrer, c’est le patient ou le résident.
Certains services comme la blanchisserie se sentent très isolés et manquent de reconnaissance dans l’hôpital. L’expérience a permis de restaurer un dialogue entre professionnels de disciplines différentes.
La démarche apparaît comme le début d’un travail à poursuivre. Des retours d’expérience dans les services permettraient de sensibiliser les autres soignants à la bientraitance et à l’éthique. En tant que primo participants, les membres de l’équipe pourraient être de bons relais, qui permettraient de faire germer la réflexion, permettant de prendre de la distance et de ne pas répondre dans l’immédiateté. Il est important de continuer à faire vivre cette expérience au sein de la structure.
Cette prise de recul par rapport à l’activité apparaît comme un temps nécessaire afin d’initier des changements ou à réfléchir à comment faire pour changer : « on avait besoin de ce temps-là ». Il est rappelé que l’hôpital n’a pas bénéficié depuis longtemps d’un espace de parole similaire à celui-ci. Après la première séance, les retours ont été très positifs. Certains participants se sont sentis « soulagés ».
Si lors de la première présentation, certains ont pu y voir une énième façon de se questionner sur ses pratiques, l’expérience s’est révélée, par la constitution du groupe, non plus « techno-centrée », mais « anthropo-centrée ». C’est en effet au fil des rencontres que l’intérêt du PLURIACT est survenu. Venant d’horizons professionnels différents, il s’agit d’une autre façon de se décrire et de réfléchir, qui n’est pas vécue comme « violente », contrairement à d’autres types de réunions qui aboutissent à des choses très techniques et très protocolaires. Dans PLURIACT, il est possible de discuter sans remettre en cause l’autre dans sa pratique. Il s’agit de se décaler et de voir les choses à travers un prisme différent.
La circulation libre de la parole amène quelque chose de simple. Parler, pour certains soignants, n’est pas quelque chose qui rentre dans le travail. Il y a une surprise de la liberté de parole et de ses effets. Le relationnel n’est pas comptabilisé comme du temps de travail, alors qu’il occupe une place très importante dans le soin. C’est un choix personnel de faire un acte technique rapidement, mais souvent, le relationnel facilite ce dernier qui s’avère moins invasif. Par l’humour, on peut par exemple atténuer la peur ou apaiser les angoisses. Il faut prendre le temps d’observer le patient et savoir s’adapter. Il faut avoir une « élasticité d’esprit » qui permette au patient de se sentir mieux. Il faudrait que ce temps relationnel soit mis en valeur, car il n’est pas indiqué sur la fiche de poste. Néanmoins, ce temps relationnel peut-il être institutionnalisé ou protocolisé ? Alain MOLAS remarque qu’il est fondamental de conserver ce que nous avons depuis notre naissance, à savoir « ce lien avec l’autre en tant que sujet parlant », en dehors de tout protocole.
Certains professionnels évoquent le besoin de se décaler du quotidien afin de conserver l’envie de continuer et le plaisir au travail. Dans son travail, le cadre est souvent isolé. Ces rencontres permettent d’entrevoir d’autres choses que le quotidien de la réalisation des plannings. Pour transmettre des valeurs, il faut y croire : « si on est blasé, ça ne sert à rien ».
Le premier axe, à savoir l’analyse des dysfonctionnements est sujet à débat. Si pour certains, cela a été l’occasion d’entrer facilement dans le vif du sujet en évoquant des choses concrètes, il est noté pour d’autres l’accent mis sur la négativité du signifiant. En effet, il aurait semblé plus judicieux de commencer par une présentation de soi et de son idéal professionnel. La question de l’objectif commun apparaît, à ce titre, comme précoce dans le déroulé des rencontres. L’écart entre les « dysfonctionnements » et « l’objectif commun » est vécu comme trop important : « on est passé du tout noir au tout blanc ». Si, pour certains, cette première séance a pu faire craindre une risque de « règlement de compte entre services », la présence du tiers incarné par l’animateur de PLURIACT a permis aux échanges de ne pas déborder : « ça responsabilise, c’est resté intelligent ». Ce dysfonctionnement par rapport à notre idéal de profession fait souffrir : « quand j’ai choisi mon métier, il n’était pas comme ça […]. Mon métier a changé, il est très en-dessous de notre idéal ».
Le dernier axe, « éthique et réflexivité » apparaît quant à lui à la bonne place. Il est abstrait et vient sanctionner l’expérience vécue au cours des différentes rencontres. Si cet axe avait été abordé trop rapidement, il aurait sans doute été vécu comme un frein. Les différents axes ont servi de fil conducteur et la progression de ceux-ci s’est révélée logique.
L’équipe interpelle l’animateur sur cette question du dysfonctionnement. Il est rappelé par Alain MOLAS que la démarche PLURIACT est imprégnée par la psychanalyse et qu’elle rend compte de cette expérience analytique. En effet, lorsqu’un sujet s’adresse à un psychanalyste, sa demande concerne un dysfonctionnement qui s’exprime à travers une plainte qu’il adresse. Puis, par la suite, le sujet se sent responsable : « quelle est ma part dans le dysfonctionnement ? ». La différence est que dans le travail PLURIACT, « on peut se plaindre de personnes qui sont là, qui sont présentes ! ».
Sur le terrain, la cadre dira ne voir que des professionnels qui se plaignent et qui sont incapables de voir le positif. Cela est sans doute dû à l’épuisement : « quand on est épuisé, on est plus capable de voir le bien, on voit tout ce qui est mal. Même ce qui est bien c’est mal ». Cette ambiance est générée par la pression sociétale. On ne sait pas prendre le temps de vivre : « le temps de travail diminue et on se sent plus fatigué qu’avant ! ». Il y aurait beaucoup à apprendre de l’expérience de certains patients âgés.
La question de la « personne vulnérable » est soulevée en fin d’entretien : pourquoi celle-ci ne constitue-t-elle pas un axe à proprement parler ? Il est rappelé que la personne vulnérable a été au cœur de tous les échanges précédents et qu’il est intéressant de porter attention à l’émergence de ce questionnement dans le discours des différentes équipes.