Les équipes, qui se sont prêtées à l’expérience de Pluriact, ont témoigné de ses effets.
En tout premier lieu, et de façon quasi-constante, elles ont mis en évidence un effet sur la parole elle-même : une parole plus libre, génératrice de « mieux-être ». Unanimement, il a été souligné, que cela a été rendu possible par le style de rencontre avec les animateurs, qui ont ouvert un espace d’expression sans jugement, empreint de bienveillance.
Il est important de noter, que cet effet d’ouverture, s’est produit, en dépit quelques fois de l’incompréhension de la démarche elle-même, de ses termes, de sa finalité. Il s’agit donc bien d’un style de rencontre intimement lié au style des animateurs, au-delà, mais pas sans elle, de la présentation de Pluriact.
A une participante, qui me demandait: » c’est génial, mais d’où vient cette idée ? », je me suis entendu lui répondre, que celui qui en est à l’origine, qui avec d’autres crée cet outil, a fait l’expérience de la psychanalyse. Celle-ci repose sur la possibilité de parler sans jugement, la neutralité bienveillante du psychanalyste permet à la parole de l’analysant de se déployer le plus librement possible.
Les participants ont pu ainsi parler en « confiance », entendue comme l’effet de la garantie de leur parole, rendant possible le risque d’une expression plus personnelle.
En conclusion de ce premier point, nous pouvons formuler la proposition suivante : Pluriact se fonde sur le désir des animateurs de permettre cette ouverture de la parole. Tel est l’engagement éthique nécessaire.
Le deuxième point saillant découle de cet engagement éthique. Il porte sur le lien entre les différents membres de l’équipe.
L’effet de Pluriact est illustré par cette phrase d’un des participants : « nous avons laissé tomber la blouse blanche ». Elle traduit la découverte, au sens premier du terme, d’un mode d’échanges au-delà des contraintes formelles des fonctions professionnelles. Nous pouvons entendre cet effet comme la conséquence logique d’une prise de parole plus libre. Peut alors se créer un écart entre l’identité professionnelle, aliénée bien souvent au regard porté par les collègues, et un mode d’identification construit par la parole elle-même, par l’acte de dire. Une identification toujours à renouveler, puisque dépendante de cet acte même. Cet écart est apparu salutaire, souvent source de cette humour indispensable à tout lien social.
Le collègue peut ainsi ne plus être considéré uniquement identifié à sa fonction, mais comme un sujet tentant de se débrouiller avec un métier.
Par-delà le lien professionnel s’est fait entendre le lien entre sujets parlants. Ainsi s’éclaire peut-être l’insistance, dans les témoignages, de la référence à l’humain, à l’humanisme, Pluriact : « ça humanise ». Véritable appel à ce qui nous lie.
Expérience qui rappelle les propos de La Boétie, dans son DSV : » Ce grand présent de la voix et de la parole fait pour s’entre-connaître ». « Entre-connaître » inscrit un intervalle séparant les individus, tout en les liant. L’équipe ne fait pas un, elle n’est pas un bloc indivisible, mais nous sommes, en son sein, « tous un », tous différents dans la pluralité.
En conclusion de ce deuxième point nous pouvons souligner l’effet « liant » de Pluriact, condition, nous semble-t-il, d’une véritable pluridisciplinarité en acte.
Nous devons insister sur les conditions d’ouverture de la parole : elle n’aurait pu avoir lieu sans la présentation de Pluriact. Le texte même de cette présentation, avec ses différents termes, ses 6 axes, portent la trace de son invention, à savoir le long parcours clinique qui l’a rendu nécessaire, pour entendre et répondre à la souffrance des patients.
Examinons maintenant l’effet de la nomination des 6 axes. Au préalable nous devons tenir compte des conditions de l’expérimentation, qui inscrivent ces 6 axes dans une temporalité limitée : un début et une fin, en 6 rencontres.
Ainsi le premier axe, analyse des dysfonctionnements, a posé la question de la demande des équipes. Temps nécessaire pour qu’une analyse de ce qui fait difficulté puisse être faite. Temps pour prendre la mesure du décalage entre le fonctionnement « idéal » et la réalité. Ce préalable étant posé, l’intitulé lui-même a été opérant, prouvant qu’il est pertinent et indispensable. Ajoutons qu’il évoque le manque, et en cela amorce l’axe suivant : l’objectif commun.
Ce deuxième axe, partager un objectif commun, est celui qui a exprimé le plus les effets de la parole libre. Il s’est décliné en deux aspects : l’aspect « institutionnel », inscrit dans les différents statuts professionnels, et l’aspect créé par le parcours de Pluriact. Ce deuxième aspect touche à l' »humain », dont nous avons parlé plus haut. Partage d’autant plus sensible qu’il créé une forme d’enthousiasme, sans effacer la pluralité des fonctions professionnelles. Eprouver ce partage nécessite le temps de l’expérience de Pluriact, et c’est pourquoi certaines personnes ont souhaité placer cet axe en fin de parcours.
Encore une fois, à partir de cette nomination, partager un objectif commun, un travail a pu se faire.
Le troisième axe découle logiquement du second. Il n’a pas été possible, dans le cadre de l’expérimentation, de l’explorer ; Il aurait fallu pour cela que le patient participe aux différentes réunions, et que sa voix puisse être entendue, comme ce fut le cas tout au long de la création de Pluriact. Il a été convenu de poursuivre la réflexion autour de ce point essentiel.
Nous pouvons penser qu’un temps de préparation des équipes est souhaitable. Certains participants ont d’ailleurs évoqué l’antériorité nécessaire du quatrième axe sur le troisième, souhaitant par-là épargner au patient d’être le prétexte de règlement de compte entre professionnels, le plaçant en position d’objet. Comment accueillir la parole du patient ? Tel est l’enjeu de cet axe. Une condition apparaît dans le respect mutuel de la parole de chacun, qui représente le quatrième axe.
Ce quatrième axe, nommé « reconnaissance mutuelle », porte lui aussi l’empreinte forte de l’usage éthique de la parole. Il est celui qui permet de penser la souffrance au travail. L’écart entre un idéal professionnel et le réel du sujet qui l’incarne, autorise celui-ci à se libérer de la « tyrannie », que cet idéal peut être amené pour diverses raisons à représenter. Tel peut être l’effet des échanges entre collègues, étayés sur l’éthique de la parole, éthique de la discussion, qui n’est autre que le cinquième axe.
L’intitulé de cet axe, éthique de la discussion, a permis d’évoquer la question du garant, de ce qui ferait en quelque sorte loi.
Question d’autant plus cruciale pour Pluriact, qu’elle remet à son parcours la responsabilité de garantir cette éthique.
Le sixième axe, éthique et réflexivité, vient authentifier le parcours de Pluriact, et lui donner son nom !
Comme nous venons de le voir, les 6 axes sont intimement noués, indissociables, formant une structure… à suivre.