Entretien collectif SSR-EHPAD MGEN Sainte Feyre (23)

24/04/2018

Pour les membres de l’équipe présents, les échanges ont été enrichissants, dans la mesure où ces temps de réunions ont permis de faire une pause. Ces temps ont donné lieu à des échanges où chacun a pu partager son expérience et où les fonctions étaient reléguées au second plan. Cette manière d’échanger s’est avérée peut-être trop implicite, certaines professionnelles ayant eu, au début des rencontres, quelques difficultés à « tomber la blouse ».

Il est fait une distinction notable entre les réunions habituelles et celles de PLURIACT. En effet, les réunions ont souvent pour but de transmettre de l’information. Les rencontres PLURIACT étaient d’un autre ordre, celui de la communication. La possibilité d’un échange « au sens noble », d’échanger de manière libre et sans jugement, a permis aux participantes de se sentir à l’aise et plus à même de s’exprimer. L’impression de se sentir écoutées ressort des différentes rencontres. Il est exprimé que, malgré la présence de supérieurs hiérarchiques, les personnes ne se sont pas senties jugées, dès lors que le dispositif était explicité.

Certaines professionnelles regretteront leur impossibilité, inhérente au fonctionnement des services, de se rendre pleinement disponibles, soit sur la continuité, soit sur le moment (nécessité d’être joignable par téléphone).

Durant cette rencontre, il sera mis l’accent sur la nécessité de rendre compte de son activité. Le « monde du faire » et de l’immédiateté venant se heurter à la réalité clinique de la disponibilité, voire de la perte de temps. La difficulté actuelle étant de « traduire » les actes pour leur donner une existence possible et valorisée d’un point de vue comptable. Pour exemple, le simple fait de ne pouvoir proposer les ateliers PLURIACT à plus de personnes dans les services est regretté.

Selon les membres de l’équipe constituée, le fait de « rogner » sur les temps informels d’échanges, qui n’apparaissent pas et ne sont donc pas valorisés, devient vecteur de mal-être dans les équipes. Par exemple, dans la démarche qualité, le sens initial apparaît perverti. Dans la recherche du consentement, qu’est-ce qui s’avère important : prendre le temps que la personne comprenne et accepte un soin ou la traçabilité de ce dernier ?

C’est la raison qui expliquerait que certains professionnels se sentent moins légitimes à exprimer leur point de vue. La fonction revêtue accordant plus de valeur à un discours qu’à un autre : « comment se donner le droit de parler quand on pense que notre parole n’a pas de valeur ? ». Peut-on alors parler de pluridisciplinarité si chacun reste dans son statut et que seuls certains ont le droit à la parole ?

Nous reviendrons sur la constitution du groupe et la volonté de participer à PLURIACT. Si dans un premier temps, la démarche paraissait inaccessible en raison d’un vocabulaire peu commun, l’expérience a su faire tomber les appréhensions et a permis à chacun de trouver sa place. Il est noté un bénéfice immédiat au sortir des rencontres PLURIACT : « quand on sort de réunion, on est bien, on a l’impression d’être libérée du poids que l’on porte ». Les professionnelles aimeraient que ce dispositif puisse se poursuivre. Se sentir entendues et non jugées, voilà ce qui résumerait, pour les professionnelles, l’expérience PLURIACT.

L’expérience PLURIACT démontre que les professionnels peuvent très bien travailler ensemble, sous la condition d’une reconnaissance mutuelle. Prendre le temps d’échanger, être attentif à ce que chacun s’exprime et que l’autre soit entendu permet en effet de travailler ensemble. Le fait de pouvoir « rebondir » sur le discours de l’autre et que les échanges ne soient pas pré-établis, c’est-à-dire « informatifs », permet de construire du sens. Pour cela, il est nécessaire de venir avec humilité, d’accepter de ne pas tout savoir et que l’autre puisse nous faire avancer dans notre réflexion. En d’autres termes, il s’agirait de pouvoir porter une autre paire de lunettes qui nous permettrait de voir la position de l’autre, certes différente, mais avec autant de valeur que la nôtre.

Les temps de rencontre PLURIACT proposaient un espace sans enjeu, si ce n’est celui du questionnement et du partage de sens. L’équipe s’accorde à dire qu’il n’y avait rien à perdre, mais tout à gagner. La posture de non jugement et de libre participation permet le partage qu’on ne s’autorise pas dans un fonctionnement quotidien. Donner du sens à ce que l’on fait prend du temps, mais rendre compte de ce temps n’est pas une chose aisée.

Si l’idée de la traçabilité à priori vertueuse s’en trouve pervertie dans son application. La question du rôle propre infirmier et de l’impossibilité à l’exercer rendra parfaitement compte de cet état, le quotidien se résumant à la vérification de prescriptions médicales, sans prendre le temps d’accompagner le patient et de rendre compte de cet accompagnement afin qu’il soit reconnu.

Néanmoins, les usagers semblent peu impactés par cette dynamique institutionnelle. La majorité paraît satisfaite du séjour ou de l’accompagnement proposé. L’établissement jouit d’une reconnaissance régionale, en essayant à tout prix de conserver une bienveillance dans l’accompagnement. Le service de soins palliatifs reçoit régulièrement des courriers de remerciements de la part des familles. Il est cependant pointé que le regard est plus global dans ce service, regard soutenu par le positionnement des médecins généralistes qui prennent plus en considération la vie sociale des patients. Ce respect du choix de la personne semble moins perceptible chez les médecins spécialistes qui ont tendance à se concentrer sur la pathologie et ainsi s’intéresser à l’organe et non à ce qu’il y a autour. Les médecins généralistes prendraient plus de temps avec les personnes, allant parfois à contre-courant de l’urgence qui s’avère souvent relative. La difficulté réside généralement dans la capacité à prioriser ces urgences. Les participants déplorent une culture de l’immédiateté, de l’urgence. Le professionnel est face à de nombreuses informations prises au même niveau et n’a plus le temps de penser. Le téléphone est par exemple outil de pression devant lequel certains ne souhaitent pas céder.

Le terme de réflexivité renvoie aux notions de souplesse, d’adaptation, de réflexion et de remise en cause : « J’ai pris conscience de plein de choses que je ne faisais pas bien ! ». Il est défini comme une capacité d’analyse qu’on a sur soi, dans un groupe qui n’a pas le même mode de pensée. Le manque de réflexivité peut alors engendrer de la souffrance. En effet, l’impression de détenir la vérité et de devoir l’imposer à l’autre engendre de l’opposition, de l’incompréhension et par voie de conséquence de la souffrance. La réflexivité revient à accepter de ne pas tout savoir et de pouvoir apprendre de tout le monde, afin d’aboutir à une réflexion commune dans l’intérêt de tous, avec le patient au premier plan. Il s’agit également « d’observer les choses en termes de question, de comprendre et de donner du sens ».

Ce terme s’avère peut-être trop abstrait, ouvrant sur trop de possibles. Il serait intéressant de travailler une définition commune. Néanmoins, ce terme semble approprié pour rendre compte de l’expérience PLURIACT.